Le 29 mars 2024, dans une certaine anonymité, le dernier album de Cindy Lee / Patrick Flegel est diffusé sur youtube uniquement, et téléchargeable via un lien Realistik. Une nouvelle fois, l’artiste déserte les plateformes de streaming. Il faut attendre quelques jours et la note assez exceptionnelle de 9.1 attribuée par Pitchfork avant que l’album commence à faire un petit bout de chemin. Jusqu’à faire grand bruit, et avec raison.
Plusieurs mois après sa sortie, il est évident que Diamond Jubilee s’inscrit sur cette liste des très grandes œuvres artistiques, celles qui changent une vie, celles que je chasse sans relâche.
Patrick Flegel commence chez Women aux côtés de son frère Matthew (basse ; percussions), de Michael Wallace (batterie) et de Chris Raimer (guitare ; samples). Le groupe publiera deux albums. Le premier, au titre éponyme, en 2008, qui n’est pas nécesserairement marquant, et un deuxième deux ans plus tard, Public Strain, qui lui dispose d’un certain intérêt. Sur une musique à cheval entre le noise rock et le post-punk, Patrick Flegel brille déjà vocalement. Il est même le principal intérêt du projet, les meilleurs morceaux – Heat Distraction et Locust Valley – étant pleinement embellis par sa performance vocale novatrice et sensible (déjà). Deux ans plus tard, le groupe se sépare à la mort de Chris Raimer. Patrick Flegel lance son projet drag Cindy Lee dans la foulée.
Entre 2012 et aujourd’hui, Cindy Lee publie sept albums, dont seulement deux sont disponibles sur les plateformes de streaming – Model Express (2018) ; What’s Tonight to Eternity (2020). Les trames qui mènent à Diamond Jubilee sont élaborées tout au long de ces années, dans la continuité de ce qu’il était en mesure de faire lorsqu’il était chez Women. Cindy Lee semblait même avoir trouvé la recette dès la fin de l’hétérogène What’s Tonight to Eternity, le dernier morceau Heavy Metal aurait pu sans aucun problème s’incorporer dans ce dernier projet. Des années de travail et d’expérimentation pour aboutir à ceci.
Diamond Jubilee est d’une toute autre envergure. Le genre d’album que l’on ne fait qu’une fois, qui procure des sentiments que l’on trouve nul part ailleurs.
Le spectacle dure deux heures, mais une fois la radio lancée, on espère simplement qu’elle ne s’interrompra jamais. C’est un film infini. Plus on s’y plonge, plus on y est englouti, absorbé par des sommets de douceur et de sincérité.
C’est d’une simplicité authentique, bien éloignée de toute extravagance. Mais il est si difficile de décrire pareil album, si difficile de transmettre cette impression que le cœur est à quelques centimètres de flancher, presque à chaque instant.
Critique écrite le 17/07/2024