Je n’ai pas eu la chance de vivre la grande époque d’Oasis puisque j’étais trop jeune. Par contre, je me rappelle très bien de la sortie de Dig Out Your Soul qui est (à ce jour) leur dernier album. Notamment des critiques élogieuses et remplies d’espoirs à son sujet. Ce qui est un contraste étonnant quand on a traversé les années 2000 sans qu’on entende plus parler de l’ex-plus grand groupe du monde. Le nombre de journalistes évoquant un glorieux retour digne de leurs deux premiers albums (les suivants étant oubliés pour des raisons toutes sauf liées à la qualité de la musique) étant, cette fois-ci, nettement plus élevé que d’habitude. On a même parlé d’un retour psychédélique ! Bon, il suffisait de mater la pochette pour s’en rendre compte et c’est encore plus flagrant en découvrant le son. Punaise, quelle production ! Il faut féliciter les studio Abbey Road pour être capable de donner la sensation d’être perdu dans une fumerie d’opium rien qu’en écoutant un disque.
Mais pourquoi insister autant sur le son ? Et bien, parce qu’il prend trop souvent le pas sur les chansons. C’est justement ce qui rend cet album aussi bien plaisant que frustrant. On sent que la fine équipe s’est beaucoup trop attardée sur les arrangements plutôt que sur le songwriting. Ce qui est flagrant sur les titres écrits par Liam Gallagher qui sont TOUS ratés. Le plus décevant étant « I'm Outta Time » à cause de sa superbe introduction, ce qui suit après étant totalement oubliable. Liam a dû faire des pieds et des mains pour l’imposer en tant que single. Sinon je ne vois pas d’autre explication pour ce bidule qui aurait fini sur une face-B en temps normal.
Heureusement, cela ne concerne qu’une moitié de disque.
Puisqu’à défaut d’être un retour digne des dithyrambes qu’il a pu bénéficier en son temps, Dig Out Your Soul possède en son sein des moments rappelant qu’Oasis est un groupe au-dessus de la moyenne. Dès la première écoute, « The Shock of the Lightning » entre directement au firmament du classement de leurs plus grands morceaux. Après le très anodin Don't Believe the Truth, beaucoup avaient perdu l’espoir que le gang de Manchester soit de nouveau capable d’écrire des hymnes, des vrais. Ceux qui donnent l’irrésistible envie de bouger dans tous les sens et de hurler leur refrain à plein poumon. Ils ont définitivement prouvé qu’ils avaient tort grâce à ce single.
Autre surprise, le lancinant « To Be Where There's Life ». Un grand moment psyché soutenu par une basse dub faisant merveille. L’équilibre entre gros son et songwriting aux petits oignons atteignant son paroxysme ici.
Cela rend d’autant plus frustrant que cette volonté d’accentuer le groove dans le son se fasse au détriment de la mélodie. Quand ça fonctionne, ça donne « Bag It Up » et « Falling Down ». Quand ça loupe, on se retrouve avec les lourdauds « Waiting for the Rapture » et « (Get Off Your) High Horse Lady ». Et je ne vous parle pas de la rythmique volée au « Jean Genie » de Bowie sur « The Nature of Reality ».
Dig Out Your Soul reste néanmoins un cas d’école intéressant. Celui où des attentes et une production transforment la réalité. Car il faut rappeler qu’Oasis était devenu ringard dans les médias (sauf en Angleterre) depuis le début des années 2000. Donc quand un disque doté d’une surproduction donne l'impression de se retrouver devant un grand retour, on a tendance à être plus indulgent voire surpris.
Le temps fait heureusement son œuvre. Ce dernier fait d’arme se révèle trop inégal pour marquer durablement. Alors qu’un Be Here Now, en dépit de ses longueurs, possède trop d’hymnes pour ne pas être réhabilité.
En creusant sa propre âme, le quatuor réussit à sauver l’honneur après avoir composé sa pire œuvre. Cela ne l’empêche pas de finir à bout de souffle et de nous faire prendre conscience à quel point leur split en 2009 à Rock en Seine fut salvateur.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.