Les fans et connaisseurs de Vangelis seront peut-être surpris de me voir tenir cet album en si haute estime - car, si j'ai bien compris, il n'est pas forcément apprécié de tous... Mais Direct est l'un de ses albums que j'ai le plus écouté, et sa relative simplicité me touche et me convainc.
Direct, donc, ainsi titré en référence à la méthode désormais employée par Vangelis : simultanément jouer, composer et enregistrer la musique, en solitaire comme toujours, avec la volonté d'être le plus frais et spontané possible. A l'origine, cet album devait être le premier d'une série, mais de suite, on n'a jamais vraiment vu la couleur. A moins que, dans l'esprit de Vangelis, ce qu'il a produit et publié ensuite relève de la même volonté et s'inscrive dans sa droite lignée.
Bref, peu importe. Ce qui saute aux oreilles lorsqu'on écoute Direct, c'est son côté ouvertement pop. La longueur des titres oscille entre trois et sept minutes au maximum, loin de la plupart des standards vangelisiens. Surtout, leurs styles et leurs couleurs varient de manière flagrante, perturbant toute cohérence globale, même si le ton général paraît plutôt enjoué et ouvert.
Puis Vangelis recourt volontiers, soit à des boîtes à rythme, soit à des lignes de batterie très classiques, appuyées sur l'alternance pop grosse caisse-caisse claire sur quatre temps. On surprend des structures en couplets-refrain, là aussi parfaitement dans l'esprit pop. Et des sons de guitare électrique, qui viennent ajouter un peu de grain aux grandes plages sonores pleines de reverb, davantage typiques du compositeur.
Avec un tel dispositif, quand on connaît le goût naturel de Vangelis pour l'emphase, le risque de déraper dans la naïveté ou le sirupeux n'est jamais loin. En dépit d'une belle écriture mélodique, "Glorianna (hymne à la femme)" (déjà, dès le titre, on pouvait s'inquiéter) est ainsi gluant à souhait, avec sa voix féminine solo et ses orchestrations pompières (et vas-y que je balance des coups de timbales et de cymbales, et des gros violons sentimentaux, eurk) et paraît terriblement long alors qu'il ne dure que 4'29... Significatif.
Même constat, bien qu'un peu moins sévère, pour la harpe doublée de cordes de "The Oracle of Apollo", le violoncelle mélancolique de "First Approach" ou pour les longs développements du final "Intergalactic Radio Station" (que j'aime bien tout de même).
Le disque, a contrario, contient quelques joyeux morceaux de bravoure, où la virtuosité de Vangelis s'exprime à plein régime. Parmi mes préférés : "Dial Out" (et son piano spectaculaire à la fin) et "Metallic Rain" (dont la première partie lente et atmosphérique amène à une deuxième tout en puissance rock, batterie lourde, riffs de guitare et solo héroïque).
Difficile pour le reste de distinguer en particulier les autres morceaux, même s'ils sont globalement tous d'une écoute très agréable, dans leur variété, leur épaisseur et leur amplitude.
Ce qui est intéressant dans Direct d'un point de vue sonore, c'est qu'il résonne comme une répétition générale de 1492 (prolongée en partie dans "The City" (1990), qui paraîtra quatre ans plus tard. Nombre de sons paraissent communs aux deux œuvres, de même qu'une conception générale de l'atmosphère générale du disque.
Sauf que, pour la B.O. du film consacré à Christophe Colomb, Vangelis aura appris à maîtriser ces nouveaux outils, et disposera surtout d'un matériau solide - les images de Ridley Scott et l'histoire de l'aventurier - pour puiser une inspiration faisant parfois défaut à Direct. Et ça fera toute la différence.