J'avais à peine 10 ans lorsque j'ai découvert cet album, je me revois encore à observer et m'interroger sur la pochette tandis que Bon Scott braillait déjà dans mes oreilles et participait pleinement à me faire découvrir ce merveilleux monde de la musique rock et hard rock. J'étais déjà frappé par ces riffs ravageurs que je connais maintenant par cœur, à force d'écoute dont je ne me suis jamais lassé, d'abord par celui-ci, puis par les autres chefs-d'oeuvre de l'ère Bon Scott, soit cinq albums studios (dans les versions américaines) allant de High Voltage à Highway To Hell, auxquels on peut même rajouter 74' Jailbreak.
Sorti en 1976 en Australie et en Europe, Dirty Deeds Done Dirt Cheap, troisième album du groupe dans leur version australienne, ne sortira qu'en 1981 aux USA. C'est dans sa conception internationale que je l'ai découvert (deux titres sont différents par rapport à la version australienne, exit Jailbreak et R.I.P. (Rock in Peace), remplacés par Love at First Feel et Rocker) et c'est dans cette version-là qu'il est régulièrement redistribué. Quelle claque quand même, cet album-là représente tout ce que j'adore chez ce groupe qui a su se créer un son unique en jouant du blues et du rock'n roll avec l'ampli saturé à fond, livrant un hard blues imparable et totalement différent de celui que Led Zep imposa dès 1969. Créatifs et capables de se renouveler, ils perdront un peu cet aspect-là avec l'arrivé de Brian Johnson et les très difficile années 1980 malgré les très bons Back in Black et Stiff Upper Lip (en 2000) où le côté blues est présent. Mais les albums qu'ils ont conçus avec Bon Scott étaient juste fabuleux, ce dernier imposant un ton cynique et décalé dans sa voix qui apportaient tant au son de ce groupe.
L'une des constantes dans les meilleurs albums d'AC/DC, c'est les claques qu'ils te mettent dès le premier titre, que ce soit It's a long way to the top (if you wanna rock'n roll) dans High Voltage, Highway to Hell dans le disque du même nom et bien évidemment la chanson-titre ici. Le riff est aussi génial que surpuissant, la rythmique est implacable et lourde, Malcolm Young garde la bonne tonalité tandis qu'Angus sort déjà le grand jeu et que Bon Scott manie avec cynisme et humour ses paroles. La recette est simple mais ô combien efficace et surtout souvent copiée mais jamais égalée. C'est pour moi l'une des meilleures chansons du groupe, implacable et génial et ils continuent sur cette lancée dans la suite de l'album. Excepté celle-ci et dans une moindre mesure Problem Child et Ride On, les chansons de cet album sont assez méconnus et quasiment jamais joué en concerts par le groupe. C'est bien dommage et rien que sur la première face on trouve quelques très bonnes chansons comme Love at First Feel et son riff aussi tenace qu'efficace et dans une moindre mesure l'ultra-speedé et très basique Rocker et on a beau dire ce qu'on veut, c'est vraiment bon, mais surtout on y trouve deux autres pépites du groupe. Bon Scott se lâche complètement sur le couillu Big Balls qu'il chante, à nouveau et au risque de me répéter, génialement. Les choeurs ("Ballsucker, ballsucker...") lui répondent superbement et l'ensemble bénéficie du super jeu de guitares des frangins Young. Problem Child achève génialement cette première face, elle est déjà présente dans Let There be Rock, mais que c'est bon. La recette Ac/Dc marche à merveille, surtout lorsqu'elle est concoctée avec génie et c'est le cas ici.
Je n'ai jamais compris pourquoi cet album n'avait pas une meilleure réputation, peut-être pas autant que Highway To Hell ou Back in Black (eux aussi immense, surtout le premier cité bien que je préfère tout de même celui-là), mais c'est quand même un album phare du groupe. Sur la seconde face, à l'exception du fabuleux Ride On, où ils nous servent un blues intense, émouvant et magnifique avec un Bon Scott tutoyant les sommets, aucun titre n'est vraiment connu, ni même estimé. On y trouve pourtant le majestueux Ain't No Fun (Waiting Round to be a Millionaire), la chanson la plus longue du groupe, Bon Scott est en grande forme avant que le groupe ne commence à faire un jam vraiment très bon. There's Gonna be Some Rockin' est quant à lui un bon rock bien efficace comme ils savaient si bien en faire et le groupe achève l'album sur le remarquable Squealer où il pose une ambiance un peu bluesy et inquiétante, Bon Scott est sobre jusqu’au final ravageur. Bref, une seconde face aussi remarquable, où Phil Rudd à la batterie et Mark Evans à la base impose une rythmique d'enfer, pendant que Malcolm Young jette des riffs assassins permettant à Angus Young de s'éclater de faire parler sa virtuosité avant que Bon Scott ne vienne faire parle sa malice et son cynisme, le tout en parfaite alchimie et avec talent brut.
Que dire de plus ? Un album que j'ai écouté des millions de fois et dont je ne me suis jamais lassé, un chef-d'oeuvre d'un groupe qui en a aligné plusieurs durant l'ère Bon Scott. Rythmique implacable, riff assassin, déferlement de solos façon Angus Young et le tout emmené par un génial et malicieux Bon Scott. La recette est connue, elle est aussi simple qu'efficace et beaucoup ont tenté de la reprendre, mais personne n'a jamais atteint la maestria d'Ac/Dc dans ce domaine.