Do What Thou Wilt.
6.5
Do What Thou Wilt.

Album de Ab-Soul (2016)

Do What Thou Wilt : Ab-Soul authentique et ambitieux

L’année 2016 a été importante pour le label TDE (Top Dawg Entertainment), marquée par les sorties d’albums de nombreux membres tels que ScHoolboy Q, SZA et Isaiah Rashad. Ces sorties ont imposé le label comme l’un des plus impactants et prolifiques de l'année, réussissant à confirmer tant auprès de la critique que du point de vue commercial. Cependant, l’année n’était pas terminée pour TDE. En décembre, Ab-Soul allait conclure l'année avec la sortie de son quatrième album, *Do What Thou Wilt. *.

Bien que le rappeur californien soit souvent considéré comme sous-estimé par rapport à ses camarades du Black Hippy, composé de Kendrick Lamar, Jay Rock et ScHoolboy Q, Ab-Soul s'est toujours démarqué par ses talents lyriques, ses rimes authentiques, et des thématiques récurrentes comme les théories du complot, les femmes, la complexité des relations amoureuses, ainsi que des questionnements sur la recherche de spiritualité et la religion. Cependant, le public lui reproche souvent de stagner, notamment en raison de son précédent album “These Days…” sorti en 2014, considéré comme manquant d’originalité à l'époque, bien qu'il ait regagné en estime au fil du temps. De plus, les amateurs avaient placé beaucoup d’espoir sur Soulo notamment pour son album “Control System” qui avait su marqué les esprits en imposant un personnage attachant mais restant assez mystérieux.

Ainsi, l'attente du public pour Do What Thou Wilt. d'Ab-Soul était palpable. La couverture de l’album et les quatre singles précédemment sortis, “Threatening Nature”, “Huey Knew”, “Braille” et “D.R.U.G.S.”, laissaient présager un univers sombre, empreint de sincérité et de nombreuses allusions à une vision nuancée de la religion.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Sur cet album de 16 titres d'une durée d'une heure et dix-sept minutes, Ab-Soul excelle au niveau des paroles, de la technique et de l’écriture. Du côté des productions, l'album est accompagné de producteurs renommés tels que Mike Will Made-It, WondaGurl, Willie B et ASAP P On The Boards.

Le morceau d'introduction, “RAW (backwards)”, en collaboration avec le chanteur Zacari, donne un premier aperçu des sentiments du rappeur à l'égard des croyances religieuses. Cette introduction démarre brutalement avec une rythmique agressive, incluant même de la guitare électrique pour renforcer l'ambiance. De plus, ce morceau se présente comme une déclaration de guerre du rappeur au monde du rap, comme le suggère son titre “RAW” écrit à l'envers (War). Ab-Soul pique même Jay Electronica, avec qui il a eu des différends par le passé, liés à un conflit impliquant Kendrick Lamar.

Après l'introduction, Ab-Soul continue ses réflexions sur les croyances religieuses en y ajoutant une dimension volontairement féministe. Sur des titres comme “Threatening Nature”, “God’s a girl?”, et “Portishead in The Morning/// HER World”, les textes incisifs du rappeur mettent en lumière le lien entre la religion et le sexe féminin, soulevant certains aspects misogynes. Le point culminant de cette réflexion est développé dans “God’s a girl?”, poussant à questionner le genre de Dieu. Le morceau “Threatening Nature” explore quant à lui certaines manipulations pratiquées par les croyances chrétiennes, en particulier sur les non-croyants.

Ces thématiques féministes persistent tout au long de l'album, notamment sur “Womanogamy”, où Ab-Soul, avec un flow lancinant sur une production de Mike Will Made-It, évoque son aventure avec deux compagnes lesbiennes, parsemée de phrases déroutantes mais évocatrices sur la perturbation des relations sentimentales du rappeur. Sur le onzième titre, “Now You Know”, Ab-Soul prend du recul par rapport à son positionnement féministe, nuançant son expérience générale avec les femmes au cours de sa vie.

L'apogée de la thématique féminine survient sur l'avant-dernier morceau de l'album, “The Law”, en collaboration avec Mac Miller et Rapsody, qui sample le titre “Brotha” de la chanteuse Angie Stone. Ce morceau explore l'amour qui devrait être consacré à toutes les femmes, Rapsody les qualifiant même de Reines de ce monde.

Comme évoqué précédemment, Ab-Soul se livre avec sincérité sur cet album, dévoilant certains aspects de sa personnalité habituellement masqués par des éléments abstraits propres à son identité musicale. Un exemple notable de cette sincérité se trouve dans l'un de ses titres les plus connus, “D.R.U.G.S.”, où il aborde frontalement et de manière fataliste son addiction aux drogues sur fond d'amour pour ses proches et pour la drogue.

De nombreuses introspections de l'artiste sont également présentes sur les morceaux en collaboration avec d'autres artistes. Par exemple, sur le morceau avec son acolyte ScHoolboy Q, les deux rappeurs évoquent certaines de leurs activités illicites, mais le morceau prend une tournure plus introspective dans la seconde partie, où ils questionnent le sens du tort et de la raison.

De même l’une des collaborations qui confirme cette volonté d’en dévoiler plus sur sa personnalité, sur “Lonely Soul / / / The Law (Prelude)”, Ab-Soul, Punch et la chanteuse SZA aborde la solitude mais aussi les expériences et conséquences qui ont ammené à cette solitude. Soulo décrit sa solitude au travers d’une rupture amoureuse du lycée, le décès d’un ami proche mais aussi par le manque de reconnaissance pour sa musique. On a aussi le droit à un couplet de Punch (rappeur et président du label T.D.E.) jouant la carte de l’éxperience et de la maturité mais remettant aussi en cause sa fois envers Dieu et questionnement même la mort.

Les collaborations au sein de l'album sont globalement réussies, réunissant même des icônes du hip-hop west coast telles que Kokane, mais encore la talentueuse chanteuse Teedra Moses, ainsi que des artistes moins exposés tels que le rappeur Da$h et le rappeur JaVonté.

Malgré ses qualités et les analyses effectuées, l'album présente quelques défauts évidents. La démarche de Do What Thou Wilt. n'est pas de chercher à atteindre les ondes radiophoniques, mais plutôt de susciter la réflexion et l'éveil concernant des thématiques fortes. Cependant, Ab-Soul livre parfois une quantité d'informations indigestes, privilégiant un fond parfois trop abstrait, pouvant perdre le sens souhaité. De plus, les morceaux “Wifey vs. WiFi” et “YMF” semblent dispensables et perdent de la cohérence au niveau des ambiances.

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le 6 janv. 2024

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