Le Donda de la farce

J'ai toujours suivi la discographie de Kanye. Autrefois par admiration, puis ces dernières années par simple curiosité et vains espoirs de retrouver un instant sa folie créative. Force est de constater que cet album marque la fin de mon admiration et surtout de ma curiosité pour tout ce qu'il a pu apporter à la culture hip hop tout au long de sa (longue) carrière. Kanye a toujours été "border" mégalo, même lorsqu'il portait ses premiers polos. Néanmoins, il avait un enthousiasme positif et contagieux. Une douce folie créatrice. Il avait réussi à apaiser le hip hop, lorsque c'était la mode du gangsta rap (50 Cent en tête de gondole) qui devenait étouffante, lassante et surtout dangereuse pour le rap au coeur des années 2000. Mais, côtoyer à longueur de journée des décérébrés de la télé-réalité, consommer de la cocaïne autant que l'eau du robinet et passer son temps à tweeter l'aura définitivement enfermé dans l'égocentrisme absolu et la mégalomanie destructrice. Cet album m'est insupportable tant l'écoute fut pénible et affreusement longue. S'enchainent :
Enchainement de Beats trap avec grosses basses de 808 saturées générées aléatoirement sans aucune personnalité (mais ce n'est pas le seul à user de ce mauvais goût certes).
Featurings de rappeur Randoms autotunés n'ayant rien d'interessant à raconter.
Souillage de l'hymne féministe indémodable de Lauryn Hill "Doo Wop", transformé en mauvais hit pour clubs de bord de plage à l'urbanisme immodéré.
Quelques productions "Drill" histoire de bien coller à l'ère du temps sans songer si cela peut matcher ou non à sa "palette artistique".
Un featuring du défunt Pop Smoke, dégénéré de 20 ans qui a tellement voulu réintroduire le gangsta rap en jouant son rôle à fond qu'il se fit dessouder sans avoir eu le temps de sortir de son quartier. Quelques rappeurs indés à la mode (les excellents Conway et Westside Gunn) histoire de ratisser large pour caresser dans le sens du poil les irréductibles.
Une chute de studio de son très moyen mais intéressant Jesus is king histoire d'ajouter quelques streams.
Une pochette toute noire, parce que c'est un grand artiste, qui ne prend même pas la peine de s'emmerder à y songer car de toute façon, ce qui compte c'est le nombre de streams. Puis c'est pas comme s'il l'avait déjà fait. En 2013, c'était déjà, faussement avant-gardiste, en 2021 c'est se moquer de son public.
Un concept qui n'a de concept que le nom. "Donda", où je me demande encore, hormis l'introduction et un morceau peut-être, ce qui peut bien ressembler à un hommage à sa génitrice ?
Ce qui faisait la force de se prodige mégalomane c'était de toujours réussir à bousculer les codes de son style musical, de se réinventer, même sur ses albums les moins marquants, et surtout de savoir s'entourer. Même lorsque Kanye s'essayait à chanter faux (sans autotune), sur les excellents disques qu'il a produit pour Common (la fin du titre "Southside" en tête) on sentait une réelle sincérité, de la grâce, quelque chose d'artistique, de mélodique. Plus encore sur le surestimé 808 s & heartbreak, le concept marchait tout de même, car, pour l'époque sa folle démarche était justifiée, révolutionnaire, et relativement réussie.
Ici, j'ai l'horrible sensation de n'être qu'un enchainement de 0 et de 1 algorithmiques décomptés par les plateformes de streaming. J'ai donné une poignée de streams à un disque tristement lamentable.
Pour ceux qui veulent tout de même percevoir, l'artiste qu'a été Mr. West, écoutez simplement "Late registration" et "My Beautiful Dark Twisted Fantasy". Contemplez ces deux pochettes. Admirez leur complexité. Réécoutez leurs titres dans l'ordre, dans le désordre. Vous donnerez des streams aux annonceurs également. Surement. Mais vous serez certainement moins pris pour des consommateurs hébétés ?
Respectez-vous. Ne perdez pas votre temps.
Amen ?