Ça te dit, une virée cynique et décalée à Paname (ou une de ses sœurs de province en sous-France, comme tu voudras)? Paname la sordide, la grotesque, la sanglante, la décadente : on s’y vautre dans les immondices, les éclaboussures de dégueulis et de gros rouge, on tranche le lard à La Villette et les caboches en place de Grève, on festoie, on guerroie, on copule avec de vieilles putains pourrissantes sorties tout droit du charnier des Innocents, on se repaît des bas morceaux sanguinolents de charognes boursouflées, tout ça sur des airs de java, de tango ou de valse musette version grand-guignol. C’est qu’il en faut, des accordéons et des mélodies populaires pour digérer toute cette bidoche qui nous rappelle que la barbarie parisienne n’est pas qu’une affaire d’orgues. C’est grandiloquent, délicieusement foutraque, atrocement jouissif pour peu qu’on aime la facétie lugubre et outrancière. Sont convoqués à la fête macabre les mânes de Brel, Piaf, Cloclo, Jean-Baptiste Clément et même un certain Famine avec sa Chaise-Dyable. L’esthétique rappelle autant le réalisme ironique et subversif de Céline que le romantisme noir de Baudelaire et la virée se termine par un feu d’artifice de tronches éclatées qui tient plutôt de l’explosion de merde – ou de merdre car Jarry n’est pas bien loin lui non plus.


Si l’univers de référence est certes plutôt franchouillard, toute cette ignoble puanteur a quelque chose d’universel, tant il est vrai qu’au bout de la nuit, on finira tous en charognes infâmes bouffées par les vers. Bon, il se peut que ce nihilisme en plonge certains dans la plus noire des déprimes. Eh oui, le Black Metal même quand il fait dans la parodie ubuesque respire rarement l’optimisme et ces hymnes à la Non-Joie ne sont sûrement pas à mettre entre toutes les oreilles. L’humour grinçant et atroce n’est jamais bien loin, ce qui risque d’ailleurs d’en agacer quelques-uns qui depuis les débuts du groupe ont du mal à prendre au sérieux cette immonde gaudriole (j’avoue d’ailleurs avoir un temps fait partie du nombre). Mais ce n’est pas parce que la danse est macabre que les clowns doivent rester en coulisse et finalement, je me retrouve assez dans tout ce cirque infernal. Et puis, c’est connu, même les morts ça peut être joyeux quand la terre est bien grasse. Et hop, dans mon top 10 de cette nouvelle année.

No_Hell
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le 23 janv. 2022

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