Lord Esperanza, nouveau prince du rap ?

Après Hors de portée en 2015, Lord Esperanza revient avec son second projet Drapeau Noir. Ce dernier a été annoncé grâce à quatre freestyles inédits, tous produits par son beatmaker Majeur-Mineur, postés sur le SoundCloud du rappeur.
Jeune étoile montante, il est un artiste orienté plutôt trap voire égotrip ce qui ne l’empêche pas de faire des morceaux plus calmes et mélodieux


Que nous a donc réservé Lord Esperanza dit L’enfant du siècle avec ce projet ? Réponse…



Entre mélodies et égotrip



Drapeau Noir est né d’une collaboration entre Lord Esperanza et Majeur-Mineur, le producteur de toutes les pistes de l’album.


Une collaboration intéressante pour la suite quand on voit la belle alchimie entre ce producteur et son artiste, à la manière d’un 21 Savage et Metro Boomin aux Etats-Unis.


Au niveau de la production, Majeur-Mineur fait un joli travail, ses instrumentales sont souvent profondes, diversifiées et plutôt mélodieuses. La guitare électrique à la fin du titre éponyme, Drapeau Noir, conclue par exemple le morceau à la perfection (rappelant celle Way Back de Travis Scott). De la même façon le chœur au début du morceau Emily créé une vraie atmosphère envoûtante.


On attend donc que Lord soit à la hauteur de ce que son beatmaker lui offre, et c’est chose faite.


L’artiste est très polyvalent, à l’aise sur plusieurs types de prods. Mais surtout, grâce à son univers particulier, l’artiste arrive à amener quelque chose d’assez unique. Alors qu’on pouvait penser que Drapeau Noir serait un projet plutôt orienté vers la trap, l’égotrip, Lord surprend et c’est tout à son honneur. Sur quelques tracks on sent un artiste qui veut se confier, s’ouvrir en étant un peu plus introspectif tout en ne tombant jamais dans le mélodrame basique et mielleux. On retrouve cependant également des sons beaucoup plus violents et engagés qui ont aussi leur place dans le registre trap que Lord utilise.



De la confession à la « dénonciation »



Les textes comme tout le projet en général sont sombres et mélodieux. Cela se ressent particulièrement dans les références à des thèmes chers à Lord Esperanza.


Des astres, du ciel et de leur puissance


Les références à ces derniers sont constantes que ce soit sur ce projet ou à la discographie de Lord en général.
Le rappeur oscille entre adulation et remerciement du ciel. Son admiration des étoiles marque une volonté de montrer que l’Homme n’est rien face à celles-ci.



Je récolte c’que j’sème
Grâce à la bonté du ciel


Cette phase sur le morceau Emily en est l’exemple. Lord sait que son travail paie au final grâce au ciel, qu’il lui doit sa réussite. C’est sur ce même morceau que Lord remercie directement les astres, où il nous révèle que son heure et celle de sa réussite ont sonné ou plutôt que les astres les ont faites sonner.



J’remercie la configuration stellaire,
C’est l’heure, conflit de vibrations célestes


Le rappeur attend beaucoup du ciel, il sait qu’il n’aura rien si ce dernier n’est pas avec lui, s’il ne le soutient pas.


De l’amour et ses dangers


A l’écoute de Drapeau Noir, nous ressentons un artiste déçu, marqué, un homme blessé.
Beaucoup de morceaux cachent des références à cette déception amoureuse, à ces regrets.



T’en as vu un autre puis un autre
Puis tu m’as trahi comme le douzième apôtre


Grâce à cette phase dans le morceau Aujourd’hui encore, nous comprenons donc que cette femme l’a trompé. Cette citation est d’autant plus intéressante qu’on voit bien la constante référence théologique de l’auteur. Il renvoie à Jésus avec le douzième apôtre, Judas, souvent cité par les rappeurs pour son acte de traîtrise envers Jésus (Lomepal). Cette citation laisse voir une certaine sensibilité chez Lord qui n’hésite pas à comparer sa souffrance à celle d’un martyr.


Les regrets dominent le tout et ne laissent jamais place à la haine, ce qui pourrait pourtant être logique. Cela laisse envisager à croire que Lord Esperanza, faible humain dans le monde des Dieux, avait lui aussi sa part d’erreur dans cette histoire. La nostalgie est donc la suite « logique » aux regrets que pourrait ressentir le rappeur.


On retrouve ainsi particulièrement les doutes de Lord Esperanza dans les paroles de son morceau Origines :



J’repense à cette femme qui a pu me mentir en face
On s’efforce d’oublier, la nostalgie prend place



L’impression de tomber dans le vide depuis que t’es partie
J’regardais les étoiles ne sachant pas que j’contemplais tes yeux



Ici aussi, les étoiles sont présentes. Le rappeur met la femme qui l’a déçu au même niveau que les étoiles et les astres. Une forme de reconnaissance pour ce qu’il a vécu avec cette femme pourrait donc être ressentie par le rappeur, entre les regrets et incompréhension.
L’amour a donc une place importante dans Drapeau Noir. Si Lord Esperanza n’hésite pas à évoquer les aspects négatifs de son couple, c’est surtout un rappeur rempli doute qui parle.


De l’homme et ses vices


Lord a un esprit très critique envers les hommes, on ressent à certains moments une profonde déception envers ce dernier et à d’autres un réel mépris.



L’être humain s’auto-détruit et trouve le temps de s’en vanter […]



Même si l’erreur est humaine,
peut-on affirmer que l’être humain est une erreur



Pour lui, l’homme sera finalement la cause de sa propre d’extinction. Enfermé dans un système capitaliste et dépendant d’une société de consommation, l’homme en est réduit à ceci et s’en vante à travers les médias ou la course à l’argent empirant ainsi son sort. Lord se demande si finalement l’être humain n’est pas une erreur venant de lui-même. La stupidité des humains est alors (re)mise en avant.


Du désastre écologique au dénigrement de certains d’entre nous en passant par la course au buzz causée par de nombreux médias, Lord critique et dénonce à certains moments (le fait que Coca-Cola pompe les nappes phréatiques dans des pays dans le besoin) et rejette la faute sur l’être humain mais aussi sur le système capitalise.



-J’obtiens pas d’réponse des astres sur le désastre écologique



-Dans un système défectueux on ne peut pas tout effectuer, mais les chiffres sont factuels, pleure pour c’que l’Homme n’a fait qu’tuer, n’oublie jamais qu’il te programme depuis Canal J et la marelle - Danse avec les ombres



Lord critique aussi le fait que nous soyons enfermés dans une cage, dans un système qui nous étouffe et dirigé par une élite, elle-même dépendante des chiffres. Ne serait-ce que par l’opposition à cet enfermement, les astres sont encore présents.
Ils sont décrits comme plus puissants, servant parfois de prophètes, Lord nous en parle comme s’ils nous regardaient et jugeaient nos faits et gestes. En revanche, ils n’ont pas réponse à la bêtise humaine, aux massacres causés par les hommes. Si eux n’ont pas réponse à ceci, qui l’aura ?


Si Lord Esperanza est déçu par l’homme, les astres le sont aussi.



Finalement…



Esperanza, qui se définit comme l’enfant du siècle aux talents exceptionnels dans la scène du rap français, était donc attendu pour confirmer sa position avec ce second projet.


La production est alors impeccable, toutes les instrumentales sont au niveau, on sent un réel travail de la part de Majeur-Mineur.


Pour ce qui est de Lord Esperanza, c’est la même chose. La plume est vraiment surprenante. Cela se ressent grâce aux champs lexicaux des étoiles, du ciel, de l’amour ou du mépris envers l’homme qui permettent de lier tous les morceaux les uns aux autres.


Le projet n’est pas bâclé, tous les morceaux sont bons, voire très bons. Même si les thèmes abordés reviennent souvent, le fait que ceux-ci soient évoqués de différentes manières et dans des contextes différents ne rend jamais l’album redondant.


Proche du Hive Five Crew, des feats sont sûrement encore à prévoir tout comme un projet avec les 2 membres de son groupe, Orchestra, composé de la chanteuse Emma Jeanne, et du rappeur **Jil Romm**y pour l’année 2017.


Lord Esperanza a en tout cas les moyens de s’imposer comme le nouveau prince du rap français voire comme L‘enfant du siècle.

SMsquad
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le 19 mars 2017

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