Au (premier) creux de la vague, la carrière de Duran Duran va connaître un soubresaut inattendu en 1993 avec le tube « Ordinary World » ; d'abord victime d'une fuite, les retours positifs vont vite les pousser vers ce choix comme premier single et à raison ; 3ème dans les charts aux States, 6ème en Angleterre et en France, des chiffres qui n'ont pas été atteint depuis un bon moment. Le titre s'avère être en effet une belle ballade romantique ensoleillée, à deux doigts d'être dégoulinante, mais qui s'en sort par quelques envolées à la guitare.
Sur Duran Duran (ou “The Wedding Album” comme les fans l'appelleront par rapport à une imagerie très liée au mariage, que ce soit la pochette ou le clip très BritPop d’ « Ordinary World » ), les synthés de Nick sont placés en retrait, le Rock 90’s est mis en avant, Nirvana est passé par là ; le titre d'ouverture « Too Much Information » peut d'ailleurs être lu comme une tentative Grunge de leur part, même si très soft en comparaison. Leurs textes se font alors plus engagés, égratignant entre autres les médias, les pouvoirs publics et les boys-band (ce qui est un peu ironique, quand on écoute leur titre « None of the Above », on n’entend rien d'autre que du Backstreet Boys ou des 2Be3).
Le second single officiellement choisi est « Come Undone », encore une ballade, plus réussie selon moi par son mélange des genres, entre psychédélique et sample vocal typique de la House, son interprétation au MTV Unplugged de 1993, sublimée par la choriste Lamya, fera parti des sommets de leur carrière. D'autres singles sortiront en fonction de l’enthousiasme des pays ; parmi les plus réussis, notons « Love Voodoo », qui retrouve sur les refrains la magie de leurs années 80, même si le rythme est ici plus posé. Au Brésil sortira en single l'étrangeté « Breath After Breath », justement en duo avec la star brésilienne Milton Nascimento, dont la sublime fin me rappelle mon amour de la musique New Age.
Vous l'aurez compris, il y a à boire et à manger sur ce Duran Duran, ce qui conduit inévitablement à des titres en-dessous ; la House vide de « Drowning Man », malgré quelques hooks, ressemble à une parodie de Lagaf’ tandis que « UMF » fait penser à une imitation sans charmes du funk de Prince (« Shelter » dans le même genre, est un peu plus réussie, grâce à ses refrains plus Rock et énergiques). On peut citer aussi la reprise de « Femme Fatale » du Velvet qui, sans être désagréable, n'atteint jamais une once de magie de l'originale. L'album se conclut sur « Sin of The City », partant lui aussi dans tout les sens, avec des parties rappées et d'autres plus expérimentales, un refrain presque accrocheur et un jam Rock sur la fin.
Une nouvelle consécration donc pour les anglais, qui verront leurs noms gravés sur Hollywood Boulevard. The Wedding Album est celui des retrouvailles avec leur public comme le confirmera la tournée qui suivra, même si la presse, elle, est plus mitigée… à raison. Malgré ses quelques belles pièces et le travail fourni sur la prod’, Duran Duran est aussi inégal que ses deux prédécesseurs et ne retrouve que rarement le génie Pop qui avait fait leurs années 80. Cette impression de manque d'inspiration va se confirmer sur les deux/trois essais à venir…