E. 1999 Eternal par Bobby_Milk
En 1995, le monde est totalement chamboulé par une odeur de catacombe venant tout de droit de Cleveland. Après avoir sorti et s'être fait largement connaître grâce à leur EP Creepin On Ah Come Up (qui contenait notamment le tube Thuggish Ruggish Bone), il était temps pour les Bone Thugs-N-Harmony de marquer à jamais le Hip Hop de leur empreinte unique avec ce premier vrai album sorti sur Ruthless Records, E. 1999 Eternal, en référence à leur QG, se trouvant sur la E.99th et St. Clair Street, un ghetto qu'ils ne manquent pas de décrire dans leurs récits. Dénichés par Eazy-E, il leur avait permis de se dévoiler avec le EP précédent, mais lorsque sort ce disque, leur mentor n'aura pas le temps de voir l'éclatant succès les toucher, puisqu'il décèdera peu de temps avant. L'album lui est bien sûr entièrement dédié : on peut d'ailleurs lire dans le livret "Eric Wright RIP 11523″ en dessous de son image apparaissant dans une boule de cristal (en référence au nombre de jours qu'il a passé sur Terre). Et cet album atterrit directement à la première place des charts, grâce à ce qui sera l'un de leurs plus grand succès, le spirituel et touchant « Tha Crossroads » (sur un sample des Beatles « Can't Buy Me Love »). Morceau remix de la version originale intitulé « Crossroad », qui a été rajouté sur l'album au dernier moment dès qu'ils ont appris la disparition d'Eazy-E. Le clip très bien réalisé, dans lequel ils retrouvent leurs êtres chers disparus, remportera également de nombreux prix.
De leur « Land of tha Heartless » comme ils aiment appeler leur quartier, aux rotations en boucle des radios et télévisions, les Bone Thugs N Harmony n'ont pas eu le temps de souffler qu'ils s'affichent déjà comme les nouvelles stars du Hip Hop. A la base, le groupe est composé de cinq gaillards, mais le cinquième homme qu'est Flesh n'apparaît pas ici puisqu'il n'a pas signé le contrat avec Ruthless. Reste donc Wish, Layzie, Bizzy, et Krayzie Bone pour nous envoûter d'un mélodieux mélange de chant et de rap, comme ils sont les seuls à avoir le secret. Voguant sur les productions de DJ U-Neek, ils apportent vocalement chacun un ingrédient à cette mixture, même si le style et le flow rapide de Krayzie et Bizzy Bone se distinguent plus des autres (quitte à être parfois incompréhensibles). Ces derniers deviennent vite les piliers et les membres les plus charismatiques du groupe. Un flow rapide, une façon de faire qui pourtant ne fait pas l'unanimité, puisque certains artistes comme les Crucial Conflit, les Do Or Die, Twista, et les Three Six Mafia prétendent tous que le crew a plagié leur style. Peu importe, ils continuent leur chemin malgré leurs diss-cordes, et restent malgré cela le premier groupe de ce style à avoir reçu un succès aussi large en devenant 6 fois disque de platine !
Une mélodie imparable s'empare de chacun des morceaux, mais n'oublions pas qu'ils font du rap hardcore et que les principaux thèmes employés sont l'argent, la drogue, la violence et autres mysticités en tout genre. C'est là d'ailleurs qu'est la magie des Bone Thugs-N-Harmony et ce qui fait qu'ils sont uniques en leur genre, un contraste qui finalement n'en est plus un, c'est comme si que vous regardiez des images de guerre sur un fond de Mozart. L'excellent « Buddah Lovaz » (qui reprend le tube « Choosey Lover » des Isley Brother), « Mo' Murda », « Eternal », « Mr. Bill Collector », « 1st of Tha Month », dans lesquelles ils racontent leur débauche et leur business malsain grâce à l'argent des assedics, en sont des exemples parmi tant d'autres contenus dans cet album considéré de loin comme leur meilleur. Un album indispensable qui marque une page importante dans l'histoire du Hip Hop américain.