Décidément, quand on pense avoir fait le tour de ce que Jimi a enregistré, on découvre encore des pièces précieuses ! Et il ne s’agit là que d’enregistrements approuvés par la famille Hendrix, en particulier sa sœur qui gère l’héritage de son frère d’une main de fer depuis plusieurs décennies. Si on ajoute tout ce qui peut exister d’enregistrements non officiels, et que beaucoup de fans possèdent, on atteint un Everest ! Ce coffret 3 CD et un Blu-ray permet de retrouver Jimi dans ses derniers enregistrements, qui auraient dû aboutir à l’album « The Cry of Love ». Ces enregistrements ont été réalisés dans le studio qu’il s’est fait construire en plein cœur de Greenwich Village, les Electric Lady Studios. Jimi avait mis fin à l’Experience dont il ne restait que Mitch Mitchell à la batterie. C’était Billy Cox qui tenait maintenant la basse funky. Le leader était épuisé par tout le cirque du show business, par les énormes festivals où il jouait devant des centaines de milliers de spectateurs, fatigué aussi par les multiples addictions dont il souffrait. Mais sa créativité, elle, était intacte et il voulait disposer de ses propres studios à la pointe de la technologie, pour acquérir une liberté totale, pouvoir y enregistrer quand il voulait même à 3 ou 4h du matin. Mais il voulait surtout un lieu confortable, qui puisse même lui servir de salon, de chambre et de maison. Il est aidé par son fidèle ingénieur du son, Eddie Kramer, qui va le conseiller et l’aider à réaliser ce projet pharaonique. Bon, au départ, Jimi avait racheté les locaux d’un club de Greenwich qui venait de fermer et il envisageait de le transformer en mettant juste une console dans un coin. C’est Kramer qui le convainc de faire du lieu des studios high-tech pour Jimi (studio A) et pour d’autres artistes (studio B). Jimi est enthousiaste et passionné mais le projet va se révéler pharaonique.

Les problèmes techniques s’accumulent ainsi que des inondations, les coûts sont faramineux : de 500 000 dollars au départ, la construction a finalement atteint le million de dollars en 1970 ! Le résultat est que les travaux avancent lentement voire stoppent, au gré des financements. Les tournées de Jimi à ce moment-là servent à financer les travaux mais il est obligé de demander un prêt sur avances sur ses futurs albums à Warner pour les terminer. En 1970, les studios sont prêts à enregistrer même si les travaux continuent et Jimi peut commencer à y travailler sur ce fameux nouvel album, très attendu par les fans et la maison de disques, « The cry of love ». En réalité, il n’y a enregistré que quelques semaines, essentiellement à l’été 70 et ce sont ces titres qu’on possède ici, des demos et prises alternatives de morceaux qui sont depuis parus dans des albums posthumes (« Dolly Dager », « Freedom », « Valleys of Neptune »…). Ces titres sont avant tout réservés bien sûr aux fans complétistes et n’apporteront rien aux néophytes, leur intérêt est donc avant tout historique, puisque ce sont les dernières sessions de Jimi, surtout en juillet 70. On le sent toujours créatif et plein d’idées, après avoir clôt l’aventure de l’Experience.

Le plus intéressant dans ce coffret est le documentaire sur le Blu-ray, nous racontant l’histoire de ces studios en 1h30, de la genèse du projet jusqu’à l’après Jimi. 20 morceaux audio ont été ajoutés au film, remixés en 5.1. Ce documentaire est centré autour d’Eddie Kramer et son 1er assistant, Dave Palmer, des témoins directs de l’histoire, mais il fait aussi intervenir Billy Cox, Steve Winwood. Au-delà des aspects techniques très pointus et qui n’intéresseront que les spécialistes, c’est avant tout la volonté d’un artiste génial d’affirmer sa liberté à tout prix, en voulant construire des studios que d’autres artistes ont pu utiliser immédiatement, attirés par la qualité du son et « l’aura » de Jimi (par exemple Led Zeppelin ou encore Carly Simon). Kramer ne cache pas qu’il s’agissait aussi de rentabiliser les lieux de façon urgente, Jimi n’étant lui pas intéressé par les considérations purement commerciales. L’inauguration de l’Electric Lady Studios a eu lieu le 27 août 70 (les travaux n’étaient pas encore finis), en présence de Jimi qui pourtant n’était pas fan de mondanités et ne voulaient pas y aller (c’est Kramer qui l’a convaincu là encore : « On ne peut pas faire l’inauguration des studios de Jimi sans Jimi ! »). Il est parti ensuite à bord d'un vol d'Air India pour Londres pour jouer au Festival de l'île de Wight et y est mort moins de trois semaines plus tard, sans être revenu à New York. Pour Palmer et Kramer, le choc a été terrible et certaines personnes qui y travaillaient sont encore très émues à l’évocation de sa disparition mais le business doit continuer. Les studios ont continué d’accueillir jusqu’à aujourd’hui des artistes dans tous les styles (AC/DC, les Rolling Stones, Lady Gaga, Daft Punk comme CharlÉlie Couture).

JOE-ROBERTS
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le 7 janv. 2025

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