Honnêtement, on n'y croyait plus tellement. Moi, en tout cas, j'étais plus que sceptique, même si Jean-Michel Jarre avait manifesté quelques belles intentions au fil de concerts revenant aux bases de l'analogique (Oxygène Tour entre 2007 et 2008, Indoors Tour en 2009 et 2010), et un enthousiasme rafraîchissant dans ses différentes apparitions.
Mais rien ne m'avait préparé à un tel retour en force, huit ans après le catastrophique Téo & Téa. L'annonce progressive du vaste projet collaboratif Electronica, appelant aux côtés du musicien une bonne partie du gratin électro (voire un peu plus large) de la planète, a donc été une sacrée surprise. Et le mieux : une bonne.


Dès "Glory", le premier extrait révélé en collaboration avec M83, j'ai senti mes oreilles me déployer avec un certain bonheur. Je sais que tout le monde n'apprécie pas forcément ce titre, mais pour moi qui aime aussi une bonne partie du travail d'Anthony Gonzales, c'est un hymne réjouissant et festif, où la patte M83 se fait davantage entendre que celle de Jarre.
Si, dès lors, comme ce semble être le cas, le travail à deux se fait sur la base d'une maquette lancée par JMJ, cela laisse augurer, de la part du compositeur lyonnais, une belle appréhension du travail de ses invités, et une capacité à les mettre en valeur qui promet de belles choses.


Les extraits suivants confirment la tendance : le ténébreux "Conquistador" avec Gesaffelstein, la dance explosive de "Stardust" avec le DJ néerlandais Armin Von Buuren, l'échange chiadé de grands anciens avec Tangerine Dream... Des univers très différents, qui annoncent un album contrasté, pour un panorama éclectique du monde électro.


La sortie du disque complet en octobre confirme la tendance - et le défaut inhérent à un tel projet : les morceaux ne sont pas tous d'égale qualité. A moins, tout simplement, que certains titres parlent à certains auditeurs plus qu'à d'autres, et que l'album contente, pour partie au moins, un public très large. C'est donc, sans doute, le projet le plus subjectif de Jean-Michel Jarre, et en même temps, le plus excitant depuis très, très longtemps.


Pour ma part, outre "Glory", j'adore l'ouverture, "Time Machine" (avec Boys Noize) ; "Close your eyes" le très voyage dans l'histoire de l'électro avec Air ; "A question of blood" avec le réalisateur-compositeur John Carpenter (très beau mariage de style là aussi) ; le duel de séquences avec Fuck Buttons dans "Immortals".
Passent bien : "Automatic part.1 et 2" avec Vince Clarke, "Suns have gone" avec Moby, "Travelator, Pt.2" avec la légende des Who Pete Townshend
Les déceptions : "If...!" (Little Boots), chansonnette sans intérêt ; "Rely on me" (Laurie Anderson), très loin de la diva inspirée de Zoolook ; "Watching You" (3D de Massive Attack), dont je ne me souviens même plus à l'heure d'écrire cette chronique ; et "The Train & The River" avec le pianiste Lang Lang, qui ne débouche hélas sur rien qu'une improvisation hirsute du virtuose sur un nappage sans saveur.


A lire ce résumé, on pourrait croire que les déceptions sont plus nombreuses et fortes que les satisfactions ; en réalité, en les écoutant dans l'ordre choisi par Jarre, les morceaux s'attellent les uns aux autres avec une homogénéité inattendue, noyant dans la masse les moins bons et relevant les moyens.
Ce sera la même chose pour Electronica 2, sans surprise. Du coup, je me suis amusé un jour à essayer de composer pour Electronica idéal avec mes morceaux préférés des deux opus : très compliqué, pour ne pas dire impossible. Signe que le compositeur français a bien pensé son projet, et que les titres auxquels on accroche le moins servent aussi à éclairer nos préférés.
Un véritable éloge de la subjectivité, je vous dis !

ElliottSyndrome
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le 21 févr. 2020

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ElliottSyndrome

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