Empiricism est un album charnière dans la carrière fructueuse du combo norvégien, puisqu'il voit l'arrivée d'un nouveau vocaliste dans le groupe en la personne du Suédois Andreas Hedlund alias Vintersorg, comme quoi les vieilles rancœurs ne sont pas si tenaces que cela.
Hedlund est l'âme du groupe de viking-metal Vintersorg, et après le départ de Vortex vers Dimmu Borgir, la tête pensante de Borknagar Øystein G. Brun fait appel à Hedlund pour le remplacer au chant.
Autant le dire tout de suite: Empiricism est très agressif! Mickelson, le batteur, fait étalage sans jamais en rajouter de sa technique exceptionnelle et de sa vélocité faramineuse tout au long des 10 morceaux de l'album, mais cette violence est bien souvent contre-balancée par la voix puissante et solennelle de Vintersorg, souvent sur des passages mid-tempos voire plus lents. Coté mélodies l'amateur du genre sera servi, car Borkanagar nous montre sur ce cinquième opus une fois de plus son talent indéniable pour les ambiances nordiques, dont les claviers évoquent par avance les violons présents sur le somptueux Origin. Autre particularité: la veine progressive, très présente dans l'écriture de Brun. Ici, point de morceau basique même s'ils ne sont pas très longs, et chaque break mélodique est une perle.
Le grand secret de Borknagar est d'avoir réussi le mariage ultime entre la grandiloquence solennelle du black moderne, la pureté des origines trashy et les accents épiques du viking metal cher à nos cœurs de guerriers (RIP Quorthon). L'exemple parfait en est Gods Of My World, deuxième morceau de cet album, sorte de mini-symphonie et quintessence du style Borknagar.
Le riff d'intro est une tuerie, mais le groupe ne tarde pas à nous embarquer dans un mid-tempo torturé et chaotique, comme pour décrire la difficulté à dépeindre l'ineffable, thème du morceau. La voix de Vintersorg, puissante et haut-perchée, s'alterne avec des passages criés et d'autres scandés dans la pure tradition norvégienne, quand soudain tout s'arrête pour laisser place à une nouvelle suite d'accords mélancoliques joués à la guitare sèche sur un contrechant de basse, et bercés par des chœurs angéliques qui s'emmêlent autour du thème principal dans un pur moment de grâce. Tout cela ce termine dans la candeur de la douce voix d'Hedlund a capella, et nous laisse scotché par la beauté du moment.
Mais cet instant d'extase ne dure pas, car la brutalité du morceau suivant nous prend à la gorge, et c'est ainsi sur tout l'album.
Empiricism regorge de merveilles sonores: suite d'accords invraisemblable et chorus de basse mélodique sur Soul Sphere, mid-tempo incantatoire aux accents écolos sur Inherit The Earth, minimalisme norvégien à la Ulver sur Matter & Motion, cordes discrètes et chœurs épiques sur The Stellar Dome, la liste est longue. Chainon manquant entre Nordland II et In The Nightside Eclipse, Empiricism est le chef-d'œuvre du groupe norvégien, ode à la nature et à l'histoire de ce beau pays dont il est le reflet, à la fois d'une brutalité puriste et d'une beauté contemplative presque candide.