À la naissance du mouvement hip-hop dans les années 70 entre deux immeubles du Bronx, il y avait 5 disciplines, 5 piliers d'une religion naissante. MCing (le rap), DJing (les instrus), break-dancing, graffiti, beat-boxing étaient intimement liés et nul n'aurait pu soupçonner leur évolution future.
On sait comment chacune des disciplines a progressivement gagné ses lettres de noblesse à mesure qu'elle devenait plus indépendante par rapport à un mouvement qui se popularisait. Le rap peut aujourd'hui se faire sans instrus (slam), la danse hip-hop est enseignée dans toute bonne MJC, les graffitis sont affichés dans les musées et le beat-boxing même s'il fait un peu maillon faible peut se retrouver aujourd'hui dans tous les genres de musique.
Le DJing avait déjà bien évolué avant 1996, avec le trip-hop à Bristol notamment, mais c'est Endtroducing..... qui va finir de dépasser son appartenance au mouvement hip-hop pour le transcender. Un album uniquement composé de plus de 500 samples, des "instrus" qui enfin se suffisent à elles-mêmes, l'instrumental hip-hop est né.
La première chose qui frappe à l'écoute de ce monstre de Frankenstein, être vivant créé de bouts de cadavres, c'est à quel point il est, justement, organique. Il y a là quelque chose de magique, d'inexplicable. Sorte d'alchimie mystérieuse entre l'attrait instantané de nombreuses mélodies, la construction ambitieuse de certains morceaux, l'ambiance cotonneuse, sorte de rêve bigarré et éthéré, une alchimie qui va faire ouvrir ses yeux à la chimère et tirer une larme de son créateur.
Un exemple ? Stem/Long stem, suite progressive de 8 minutes commençant sur un sample tiré non pas d'un temple perdu mais d'une chanson de Nirvana (le groupe psychédélique anglais pas celui de Cobain), puis s'envolant complètement dans un déluge de beats, et intégrant progressivement des samples de Giorgio Moroder ou encore de John Carpenter... le plus fantastique étant bien sûr de n'en rien laisser paraître, permettant à l'auditeur l'immersion puis la noyade dans la chanson.
Mais au delà de l'Histoire et des qualités musicales d'un album qui n'est plus à vanter, ce que je voulais pointer, c'est cette pratique de construire la musique à base de samples, à l'époque le fait d'un passionné de vinyles fouillant les étalages des brocantes. Maintenant qu'elle est répandue, elle est devenue un symbole de notre époque ou Internet permet à tout un chacun de se bâtir une culture impressionnante dans tous les domaines pourvu qu'il fouille un peu.
Beaucoup fustigent cette culture du piratage/partage, du plagiat/sample, pour des raisons simplement économiques. Endtroducing....., avec ses constructions recyclant de la soul à Blade Runner, de Tangerine Dream au hip-hop, du rock psyché à Metallica est là pour nous rappeler ce que cette culture peut apporter et surtout ce qu'elle révèle : un amour profond de la musique, et au delà, de la culture, de l'art et de toutes les formes qu'on peut lui donner.