Bordel : l'album est sorti , après un an de teasing en veux tu en voila on a droit au retour de gringe et l’entrebâillement de " Le mal est fait " de Comment c'est loin laisse place à un début de carrière en solo (quoique j'hésite au vu du nombre de featurings) ma foi très plaisant mais diantre inattendu .
Inattendu parce que pour ma part je ne m'attendais ni à une telle forme , ni à un tel fond . Pour ce qui est de la forme , on sent une influence encore fraîche de son appartenance aux Casseurs Flowters malgré que le lyrique et le kickage ne soit pas d'origine à proprement parlé et que les clins d’œils sont variés et nombreux . J'ajouterais que Skread à fait un boulot parfait sur la production , l'influence trap est travaillée mais subtilement adaptée à des poses qui se veulent plus chantées que kickées pour la grande majorité des sons de l'album ; ce qui fait un album que je classerais plus dans la mouvance variété française du genre que le rap " pur " au sens ou on l'entend bien que les punchlines soient au rendez vous et pour la plupart appropriées.
Pour ce qui concerne le fond , la breson-attitude se fait ressentir et pour cause : on y retrouve un Gringe qui semble en forme mais marqué au fer rouge par son passé . Un passé qui se veut extrêmement dur de part les épreuves et souffrances endurées et traversées par l'auteur qui nous livre sa solitude par différents sujets . On y retrouve l'addiction à l'alcool et la drogue ( Qui dit mieux , LMP) , son attitude et caractère propre à rejeter et mépriser les autres et la normalité ( On danse pas , Konnichiwa , Déchiré ) , la dépression ( Paradis noir ) . Le tout étant du a une contexte familial compliqué ou il évoque dans un dialogue avec sa mère sa crainte de devenir comme son père lorsqu'il aura un enfant : un salaud ( Pièces détachée ) ; ainsi qu'une relation forte mais néanmoins instable avec son grand frère schizophrène pour qui il éprouve une grande affection malgré leurs fragilité respectives : d'un coté Gringe affaibli par son passé qui va tout faire pour sauver son frère qui de l'autre coté est rongé dans son insouciance par sa maladie ( Scanner ) .
Pour ne rien arranger au tableau , les relations viennent nous montrer ce qui fait le plus défaut à Gringe : l'Amour . Tantôt avec une fille qu'il a aimé , tantôt avec un plan cul ( Retournes d'ou tu viens , Pour la nuit ) il souffre de ces expériences passées décrites dans le magnifique et savant Recto/Verso Je la laisse faire/Jusqu’où elle m'aime où on s’aperçoit que Gringe et prêt à faire certaines choses dénuées de sens quitte à souffrir ou à être un connard au vu des situations qu'il décrit dans le seul but de ne pas rester dans cette solitude qui l'effraie .
La finalité de l'album prend fin sur une fatalité exprimée dans Karma où il se demande ce qu'il a bien put faire pour mériter toute cette souffrance . Et c'est à travers le paradoxe de l'enfant lune qu'il trouve un exutoire à sa souffrance : il rêve la tête vers les étoiles nocturnes malgré son passé qu'il tente d'oublier et qu'il ne comprends pas par le biais de cette activité attendant un espoir de renouveau dans sa vie . Et je dis bien paradoxe car il y a possiblement une origine a cela : il y a une musique espagnole intitulée " Hijo de la luna " ( Fils de la lune ) qui fait référence à une enfant qui est né sous le signe de la lune , d'apparence physique blanc comme linge , le rendant différent des autres et se faisant rejeter par sa communauté à cause de son physique. Marqué par le chat noir , il poursuit sa vie seul en mourant à petit feu a cause de son chagrin et sa solitude .
Je dirais que l'album est dans sa globalité très bon , le sujet est clair et les featurings réussis ( pour la plupart ) . Malgré tout c'est en parti ce qui fait un des défauts de l'album : il y en a trop et à vrai dire je m'attendais à bien mieux pour " Qui dit mieux " ( bien que la présence de sacrées plumes soit notable ) . L'autre défaut est a mon sens technique , il y a des punchlines qui auraient méritées d'être choisis avec plus de soin voire mieux tournées pour les sujets traités et en outre des sujets qui auraient mérités d'être plus approfondis et d’autres non .
En dépit de cela , le début de carrière de Gringe est lancé ; peut être pas tonitruant mais lancé . En espérant que celle-ci ne se dégrade pas et au contraire ne laisse pas la place à une énième fois à cette solitude teintée de bleue illustrée sur cette sobre mais lourde de sens couverture d'album.