Un alliage musical rare et fin, entre punk, funk et critique gauchiste, pur produit de l'émulsion de l'époque Thatcher.
Gang of Four (en référence à un groupe de dirigeants maoïstes, ça donne le ton) sort tout droit de l'Université de Leeds, vivier de la gauche radicale des années 70, nourrie de la pensée de Guy Debord et des Situationnistes. On les a un moment considéré comme les Clash 2.0 : guitar heros aux textes révolutionnaires. Alors commençons par-là : la guitare.
Loin du son rond et chaud tant apprécié par les collègues rockeurs, Andy Gill fait le choix de nous mordre littéralement les oreilles. C'est comme si des tessons et des lames d'aciers s'étaient mis en tête d'aller sur le dancefloor du samedi soir : un très fin mélange entre rage punk et groove funk. Je n'aurais jamais assez de mots pour décrire ce génie bruitiste qui a su donner une nouvelle définition au son punk. Est-ce surprenant que des pointures comme Rage Against the Machine se sont revendiquées de son influence ?
Ce qui est sûr, c'est que cet espèce de groove tout droit sorti de l'usine de traitement des déchets métalliques est le support parfait pour mettre en scène une critique acerbe et subtile de la société (du spectacle). Rien qu'avec Damaged Goods, sûrement le titre le plus connu de l'album, on a l'idée : fatigués de l'éternelle chanson d'amour pop vue et revue à la radio, les membres du groupes décident de parler d'une relation comme si ce n'était qu'un simple contrat, en l'occurrence rompu, avec tous les dommages et intérêts que cela implique. On pourrait aussi parler de I Found That Essence Rare : "See the girl on the TV dressed in a Bikini/She doesn't think so but she's dressed for the H-Bomb", bref pendant qu'on regarde des jolies filles à la télé, la guerre (froide) plane au-dessus de nos têtes. Ou encore At Home He's a Tourist, qui nous parle de la perte de sens de nos sociétés sur fond d'une guitare jamais aussi déchainée.
En somme Entertainment! fait vraiment partie des plus grands albums de post-punk, où chaque élément est parfaitement en harmonie avec l'autre pour nous offrir un véritable manifeste de critique sociale condensée en moins d'une heure. A écouter sans attendre.