L'origine du groupe remonte à la formation de REALITY par Daniel Gildenlöw, alors âgé de 7 ans. Ce combo se présente en 1987 au concours annuel "Rock-SM" en Suède où Daniel fut déjà élu meilleur vocaliste. Le nom a été conservé jusqu'en 1991 pour être modifié ensuite par PAIN OF SALVATION. De 1991 à 1994 aprés le jeu des chaises musicales du line-up, le groupe est composé de Daniel (chant plus guitare), de son frère Kristoffer à la basse, de Daniel Magdic à la guitare et de Johan Langell à la batterie.
Le véritable départ de l'histoire du combo se situe en 1996 lors de l'incorporation du claviériste Fredrik Hermansson (la moyenne d'âge est de 18 ans). L'année suivante sort assez rapidement le premier album, Entropia, qui reprend le matériel composé entre 1994 et 1997, soit tout ce que sait faire le groupe selon Daniel.
Et là où on peut s'attendre à une démonstration d'étalements d'idées de composition sans réelle structure ou maladroite pour un premier album, Entropia est d'une maturité artistique qui tient aussi bien du génie que de l'exception.
Sans crier gare, au terme de plus d'une heure d'une musique intense, se dessine un metal progressif avant-gardiste, lyrique, parfois torturé, non soumis à la tentation des démons du genre. La technicité n'étant pas le seul but en soi.
PAIN OF SALVATION pratique un genre où les limites se doivent d'être repoussées et en ce sens, il atteint un statut authentique. Il est alors déplacé et inutile de comparer le groupe à d'autres formations dites "progressives".
La musique des suédois pourrait s'identifier par son seul nom (la douleur du salut): dualité paradoxale entre une certaine souffrance interne et une sérénité résolument positive. La preuve de l'existence de ce dernier aspect au travers de textes intelligents au service d'un concept en trois chapitres (avec courtes transitions), basé sur la remise en question du passé d'un homme influent.
On assimile bien souvent à tort ou à raison un groupe à son chanteur. Pour PAIN OF SALVATION, c'est encore plus vrai. L'auteur-compositeur Daniel Gildenlöw offre au groupe une identité irremplaçable. La maîtrise de sa voix semble si naturelle et aisée qu'elle dépasse le simple cadre d'une froide technicité. Son organe aux octaves variées lui permet de couvrir un large champ de vibrantes émotions.
Tantôt expressives ("Foreword", "Revival"...), plaintives ("Winning a war", "To the end"...), émouvantes ("Oblivion ocean", "Plains of dawn", "Leaving entropia"...), ou bien encore d'un lyrisme écorché ("People passing by", "Nightmist"...), ses envolées vocales ne peuvent se borner à un piètre descriptif: seules vos oreilles les apprécieront.
Et ce n'est pas tout: une multitude de choeurs ponctuels font office de cerise sur le gâteau ("Revival", "Plains of dawn"...).
Quant à la structure fonciérement metal des chansons, leur originalité n'a de pareil que leurs changements de rythme en des breaks incessants, diablement exécutés, et sans que l'on y perde pieds. Passages bluesy, jazzy étant également à l'honneur.
Les deux pièces maîtresses d'Entropia en sont la parfaite illustration. "People passing by" avec son introduction en guitare slappée (!), sa premiére moitiée funky-metal tranchant avec son final: un long solo grandiose puis la voix de Daniel accompagnée des douces notes du clavier. "Nightmist" où la basse s'impose dès le départ avant d'être slappée à son tour et contenant un autre brillant solo. Soudain coupure d'une seconde avant la fin du morceau: un cri déchiré s'en suit pour remplir notre espace.
Sous son nom énigmatique, Entropia est un de ces chef-d'oeuvres, qui non content de posséder un fond tenant du miracle, propose pour la forme une approche dont on ne peut se soustraire ("Listen to me now..you" est la première ligne vocale de Daniel), et nous extirpe en douceur avec le poignant mais non moins optimiste épilogue "Leaving Entropia" ("If death is but a dream then don't let me...fall asleep").
L'objectif du monde progressif doit être l'évolution par l'exploration incessante de nouvelles directions. De manière plus générale, l'art de la musique est une source d'une richesse inépuisable.
PAIN OF SALVATION l'a parfaitement assimilé en repoussant avec un immense succès les frontières conventionnelles. Ce premier coup de maître est un grand bol d'air positionnant le groupe comme référentiel dans l'histoire de la musique.
9,5/10