Au risque de me répéter, je considère la scène Black Metal française comme l'une des plus riches du monde. Et depuis quelques années, The Great Old Ones font partie des acteurs majeurs de ce vivier. Première sortie des Bordelais en 2012 avec "Al-Azif", autre nom du Necronomicon. Le groupe proposait déjà un Black Metal puissant, mature et inspiré (le petit chef d'œuvre qu'est Visions of R'lyeh justifie déjà l'écoute du disque). En 2014, soit seulement deux ans après, le quintet remet le couvert avec "Tekeli-li" et se voit une fois encore encensé par les critiques et le public. Bien sûr, à juste titre.


Ce troisième opus était naturellement attendu au tournant. Comme son nom l'indique, The Great Old Ones trouve son inspiration dans l'univers sombre de Howard Phillips Lovecraft, qui a donné naissance au mythe de Cthulhu. Ce nouvel album est bien sûr inscrit dans cet univers sombre et horrifique. Le groupe a par ailleurs choisi de se concentrer sur le récit "The Shadow over Innsmouth", une des rares nouvelles de Lovecraft qui n'a pas été publiée de son vivant. Nous suivrons donc le voyage de Robert Olmstead, narrateur de l'histoire, dans la ville fictive d’Innsmouth.


Voilà, maintenant que vous savez où vous allez vous aventurer, il est l'heure de parler un peu de la musique de The Great Old Ones. Tout comme Cthulhu lui-même, le Black Metal qui est imposé à nos pauvres oreilles est immense, surpuissant, et d'une beauté indicible. "EOD: A Tale of Dark Legacy" est une expédition dont on revient troublé, si tant est que quiconque puisse rentrer d'une telle épreuve.


Tout comme son prédécesseur, "EOD: A Tale of Dark Legacy" est ponctué d'intermèdes parlés qui narrent la progression du personnage d’Olmstead. A la différence de "Tekeli-li" cependant, ces interventions sont en Anglais. Loin de briser l'immersion et le rythme imposé par le disque, on accepte volontiers ces petits moments de calme qui nous plongent encore plus loin dans le sombre récit de The Great Old Ones. Par rapport aux précédents albums, les Bordelais ont un peu écourté la durée, avec 44 minutes au compteur pour 7 titres, dont un interlude et une introduction. Malgré les morceaux à rallonge, on n’a aucune difficulté à être attentif aux détails. On trouverait les morceaux presque trop courts !


Alternant entre mid-tempos presque Black-Death (When the Stars Align), blasts dévastateurs (The Ritual, The Shadow over Innsmouth) et passages flirtant avec le Doom (In Screams and Flames), The Great Old Ones jouent sur tous les fronts avec une aisance et un naturel hors du commun. Rien n'est forcé, tous les riffs s'enchaînent avec une fluidité remarquable. On vit véritablement les émotions du narrateur qui passe par la terreur, la surprise, le doute... Et chacun de ces états d'esprit est superbement illustré, exprimé par les mélodies et le rythme. La troisième guitare est par ailleurs terriblement efficace, jamais en retrait et sachant à chaque fois élargir les atmosphères ou complexifier les riffs.


Les cordes sont accompagnées par une basse pesante, et une batterie grandiose. Léo Isnard assure particulièrement bien dans les envolées les plus rapides où il envoie les blasts avec une précision inouïe, et nous fait profiter de son fantastique jeu de toms (When the Stars Align, The Ritual). Petite parenthèse sur la production de "EOD: A Tale of Dark Legacy" qui s'avère être... parfaite. Le mix général, la batterie, le chant, les réverbs, la dynamique... c'est irréprochable. On ajoute à cela un très bel artwork, réalisé encore une fois par Jeff Grimal qui a parfaitement su capter l'essence de The Great Old Ones et on a l'habillage parfait. Tous les éléments concordent pour que nous puissions profiter au maximum du travail réalisé sur "EOD: A Tale of Dark Legacy".


Bon, le problème c'est que je vais commencer à manquer de superlatifs pour parler de ce disque. En général, c'est maintenant que je dis ce qui ne me plaît pas dans cet album. Mais là, rien ne me vient. C'est juste génial. C'est inspiré, réalisé avec le plus grand soin. C'est énergique, mystérieux, beau. Alors oui, le mythe de Cthulhu on en entend parler dans le metal (Metallica, Yyrkoon, Sulphur Aeons...) mais "EOD: A Tale of Dark Legacy" est peut-être l'hommage le plus juste jamais créé.


Alors, sincèrement, merci à The Great Old Ones pour cet album tout à fait exceptionnel qui tutoie les chefs-d'œuvre du Black français. Mon seul souhait est que la formation continue dans cette direction, avec comme objectif de surpasser ce "EOD: A Tale of Dark Legacy". Les Grands Anciens épargneront ces cinq hommes en reconnaissance de leur offrande que nous, pauvres damnés, sommes voués à adorer.

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le 26 juin 2017

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