Il est des sons que je souhaiterais n’avoir jamais entendu. Les gémissements émis par ce qui semblait être ma mère lorsque j’ai jugé opportun de coller mon oreille à la porte de la chambre de mes parents pour leur « faire une surprise » (j’avais 10 ans), ou encore le grincement de la porte que je pensais fermée à clef alors que des gémissements similaires s’échappaient des haut-parleurs de mon ordinateur portable (j’avais 14 ans). Une flatulence accidentelle, initialement dimensionnée pour passer inaperçue aux oreilles de mes beaux-parents, le « non » qui suivit ma première requête d’ordre sentimentale auprès de la gent féminine (il faut croire qu’un « tu veux bien sortir avec moi s’il te plaît » n’est guère efficace), et à peu près la dizaine de funestes « il faut qu’on parle » prononcés par mes ex, d’ailleurs peu enclines à la discussion.
Musicalement, l’équivalent de ces abominations sonores abonde sur le net, qu’elles soient issues des recoins les plus sombres de Soundcloud (wesh la mif, g posé un flo sur une ptite prod a lansienne, partagé les frer) ou diffusées massivement à la radio (planète rap de JUL, les vrais savent). Cependant, avec un peu d’adresse et un soupçon de curiosité, il devient aisé de les repérer et ainsi de les éviter. Seulement voilà, j’ai été pris à défaut il y a deux jours, et il m’était formellement impossible de le détecter à l’avance.
Jean Michel Jarre (Jean Mimi pour les intimes), qu’a-t-il bien pu donc te passer par la tête lorsque tu as composé l’horrible morceau Infinity (Movement 6) ? Toi, le père nourricier de l’electronica, qui avait tant ravi nos oreilles au travers des exquis Oxygène et Equinoxe, CDs ô combien importants durant mes études en raison de leurs vertus apaisantes et extatiques. Comment en es-tu arrivé à nous pondre pareil simulacre de musique électronique, cette bouse estampillée NRJ Fun Radio summer 2013 ? J’ai eu l’impression d’écouter Keen’V qui joue avec un piano qu’on avait quand on était gosse, vous savez celui qui fait des bruits d’animaux de la ferme. Ou plutôt ici des hululements de chouettes compressés sur Audacity, à moins que ce ne soit des aboiements de chien remixés pour faire des memes epic sax guy, je n’ai pas su dire. Quelle purge !
C’est d’autant plus regrettable que le reste de l’album était de bonne facture, dans un style qui se rapproche par moments des BO de films « épiques » : les percussions fracassantes, violons étirés, et superposition de nappes de claviers retranscrivent une ambiance héroïque, glorieuse, et assez réussie bien que parfois un brin caricaturale. Mention spéciale à Robots don’t cry et à Don’t Look back, dans lesquels l’artiste réussit à combiner originalité et nostalgie de son Equinoxe précédent.
Mais il y a ce cheveu, que dis-je, cette touffe qui vient malheureusement gâcher notre soupe. Et à l’inverse du cheveu, impossible d’échapper à la touffe lors de sa dégustation, aussi succulente soit-elle. Pour conclure sur la métaphore culinaire, tu nous avais habitué à de bien meilleurs veloutés, chef Jean Mimi… Je te pardonne pour cette fois, mais qu’on ne t’y reprenne plus !
- En quelques mots : Une touffe de cheveux dans la soupe
- Coups de cœur : Robots don’t cry (Movement 3)
- Coups de mou : RAS
- Coups de pute : Infinity (Movement 6)
- Note finale : 5