La légende des sœurs Scroggins naquit autour de trois chansons ; "UFO", "You're No Good" et "Moody". Mais penchons nous sur le background historique qui vit naître le mythe urbain de ESG.
Durant les années 70, la famille Scroggins et sa fratrie de quatre sœurs grandissent avec les tubes Motown et les classiques de la musique latine. Dans le ghetto Nouillorkais, l'appel de la rue est très fort avec à la clé un embrigadement dans les deals de toutes sortes et autres guerres de gang. D'après la légende, c'est afin d'éviter à ses filles de sombrer dans les vices de la rue que maman Scroggins offre à ses filles des instruments de musique. Valerie hérite d'une batterie, Deborah d'une basse, Marie de congas et Renée, en plus de grattouiller occasionnellement sa guitare, nous offrira le plaisir de son propre organe vocal, sensuel et titillant. Emerald, Sapphire, Gold (ESG) est né. Vivant de reprises des Rolling Stones, le groupe est repéré à un modeste show New-Yorkais par le patron de 99 Records, Ed Bahlman, qui a semble-t-il vu quelque chose dans le funk mécanique des Scroggins. Devant immédiatement leur manager/producteur, il fait tourner le groupe dans les clubs punk de la Grosse Pomme. ESG n'avait dans son répertoire que 4 morceaux qu'ils jouaient à chacune de leur prestation, tant et si bien que le public, enthousiasmé, eût tôt fait de réclamer autre chose. Ainsi, ESG fut bien obligé d'inventer "autre chose" à proposer !
La première partie que le groupe fit pour A Certain Ratio amena Tony Wilson, patron de la Factory, à proposer au groupe l'enregistrement d'un EP, dont le producteur ne serait autre que Martin Hannett, le fameux technicien de génie qui s'était déjà occupé d'entourer les Joy Division d'un cocon gelé...
Ainsi fut composé et enregistré le premier EP d'ESG, disque culte de chez culte, composé des trois fameux morceaux qui firent l'influence du groupe sur les générations présentes et futures. "UFO", avec ses sirènes omniprésentes, porte la réputation de morceau le plus samplé au monde. "Moody" épate par le contraste entre les percussions africaines et la rythmique binaire de la batterie, qui martèle sans cesse comme le ferait un métronome disco. "You're No Good", lui, assène une rythmique quasi-krautrock appuyée par des chœurs répétitifs au possible mais pas dépourvus d'une certaine sensualité robotique. Sur cet enregistrement, un autre contraste est saisissant, celui de la sensualité sourde de la musique des Scroggins qui se marie foutrement bien avec la froideur de la production made-in Hannett. La suite de l'EP, clairement du remplissage, est une prestation live qui met en valeur la session rythmique du groupe en laissant apercevoir le talent de métronome de Valerie Scroggins.
La légende était née, et ne serait révélée au "grand public" que bien des années plus tard, lors d'un regain d'intérêt tardif pour le post-punk. En attendant, cet EP est exceptionnel car montre la percée inattendue d'un groupe étiqueté No-Wave produisant une musique dénuée de concept. Du fun, tout simplement.