Quand le monde alentour de poésie se vide,
Que la réalité apparaît toute nue
Et que le beau se trouve à l’ombre du perfide,
Quelques moments de calme sont les bienvenus.
Mais avec Supertramp et leur rock progressif,
Ces « moments de quiétude » sont rendus jouissifs.
De « Give a Little Bit » à ce « Fool’s Overture »
Dont le synthé puissant est au fond peu de choses,
Si vous aimez le rock, tout noir ou bien tout rose,
Ce disque vous sera familier, ça c’est sûr.
Comment faire l’impasse sur la première piste
Belle chanson d’amour, empathique et altruiste ?
“Babaji”, “From Now On”, autres refrains connus,
Certes souvent calqués sur la même recette,
Mais qui par leur fraîcheur peuvent être entendus
Comme aux tout premiers jours de leur mise en galette.
Quand les voix se répondent en chantant, en criant,
C’est le cours de la vie que l’auditeur ressent !
Cependant Rick Davies et son comparse Hodgson,
Tels Lennon et Macca, Simon et Garfunkel,
Forment un duo puissant dont les pouvoirs étonnent
Quand de ce « Lover Boy » la montée se fait veule.
Sensation de dégoût, plaisir agonisant,
Tout est bon pour créer un fol enchantement.
Les divers instruments forment une harmonie
Que le sens mélodique rend fort bien servie.
Le saxo d’Helliwell est loin d’être écrasant,
Comme s’il s’effaçait pour laisser s’exprimer
Dans un morceau entier ou un très court instant,
L’objet sur la pochette qui est figuré.
Ce piano enneigé dans un décor alpin,
Tel un meuble oublié, délaissé aux sapins,
A la réalité de la chanson profonde
Que le groupe éclairé dans son ardeur féconde :
Celle qui a donné son titre à cet album
Et qui lyriquement constitue son summum.
Point d’artifice odieux ou de montage subtil !
Tout doit être réel, et le réel est tout
Tant qu’on n’est pas venu au temps froid et jaloux
Des années quatre-vingt, fécondes mais hostiles,
Qui croiront judicieux de réduire à néant
Ce qu’on appelle « art rock », pour être intelligent.
Ce disque peut donner l’énervante impression
D’être le spectateur d’un accessible abscons.
Quelle est la quintessence de ce parti pris ?
Devant tant de secret plein de curiosité,
Je me suis donc penché sur leur philosophie
Et voici le message qu’ils m’ont délivré :
"Considérez cet homme aux yeux de solitude
Et prenez-lui la main malgré les turpitudes.
Ne laissez point la pluie envahir le soleil,
Toujours ôtez de l’homme sa fierté étourdie.
Appelez-le un fou, méfiez-vous de son fiel !
Bercés par la musique, vivez en fantaisie"
J’espère que mon ouïe critique et exercée
Vous aura bien instruits, à défaut d’admirer
La sotte poésie d’un mauvais rimailleur.
Crime of the Century était, de loin, meilleur,
Et le disque suivant dépassera sans peine
Celui qui méritait quand même cette peine.