Exciter par Strangeman57

  Depeche Mode est un groupe étonnant, un des rares dans la Synthpop à avoir réussi à prendre le virage 90’s sans perdre en succès tout en faisant évoluer leur palette sonore, d'album en album. Cette évolution en rebutera sans doute quelques uns sur leur Exciter de 2001, entamant ainsi une nouvelle décennie sous le signe de l’expérimentation. Moi-même j'ai du m'y reprendre à deux fois, au casque, au calme dans mon lit, avant d'en apprécier toute sa saveur. Et je pense maintenant qu'il s'agit de l'album le plus travaillé et technique du groupe, fourmillant d'idées et de détails sonores. 
 On doit surtout cela à son producteur Mark Bell, qui a entre autres travailler avec Björk et qui ici, remplit l'espace de sons et de beats inattendus, livre une electronica discrète et ciselée, surprenant d'intelligence par moments, s'approchant de la musique savante, avec un aspect presque ASMR. Les titres sont spirituelles, voire mystiques, pleins d'Amour, ce qui les rendraient presque parfaits pour une méditation. Une partie d'entre eux est également inspirée par l'atmosphère brumeuse des enregistrements du Velvet Underground. Ils forment comme Ultra, un tout d'une cohérence dingue, à la différence que l'on passe de la dépression sur ce précédent chapitre, à la lumière dans ce nouveau. Ce n'est pas le titre « Shine » qui dira le contraire.
 Si on devait comparer Exciter à une autre œuvre, ce serait au “Kid A” de Radiohead, donnant lui aussi dans la Folk électronique, même si je trouve que l'électro est usé ici avec plus de parcimonie, tout comme certains arrangements symphoniques, distillés intelligemment dans un tout presque minimaliste. Il faut dire que Gore écoutait beaucoup de musique abstraite à l'époque. Quant à Gahan, sa voix a moins de profondeur, ce qui la rendrait presque banale, mais surtout, plus humaine et naturelle. Le son de Depeche Mode, qu'il soit bluesy ou synthétique, est encore présent, mais arrosé d'un tas d'effets et de filtres, prolongeant ces envies atmosphériques comme sur le single d'ouverture « Dream On ».
 Le songwriting n'est pas moins bon que d'habitude contrairement à ce que j'ai pu lire ici et là, c'est juste que la bande n'a jamais l'envie d'en faire des tubes. L'instrumental semble avoir sa vie propre en-dehors de la voix. S'ils avaient eu cette envie, ils nous auraient livrer d'autres « I Feel Loved » ; sa présence même sur la galette montre qu'ils en avaient les moyens. D'ailleurs, « I Feel Loved » comme « The Dead of Night » sortent de cette douce quiétude pour s'affoler sur des ambiances plus orageuses et électriques ; rien n'est jamais tout rose, le combat intérieur et karmique est perpétuel.
 Donc, après Ultra, c'est à nouveau un album difficile qu'a sorti Depeche Mode, sans tubes, on ne peut pas dire qu'il fera également grand bruit dans le marché mainstream. Par contre, il vaut clairement le coup de s'y attarder, comprendre quelle énergie positive ils ont essayé d'y insuffler et lorsque sa beauté vous apparaîtra, seulement vous pourrez en juger. Exciter est étrange, certes, mais pénétrant comme une nouvelle religion… laissez vous convertir !