Fake It Flowers
6.5
Fake It Flowers

Album de Beabadoobee (2020)

Beatrice Laus, ou Bea Kristi, ou encore beabadoobee n’a guère que 20 ans, mais a cumulé en 2020 les succès médiatiques. Originaire des Philippines, cette jeune artiste anglaise a débuté une carrière de musicienne quasi par hasard – ou plutôt par la magie de vidéos postées sur Tik Tok et YouTube. Pas de quoi pourtant lui en vouloir quand on écoute son "Fake It Flowers", à l’efficacité mélodique et émotionnelle indiscutable.


"Fake It Flowers", produit par Pete Robertson des Vaccines, est son premier album, mais depuis ses débuts trois ans plus tôt, beabadoobee a déjà publié pas mal de chansons et cinq EPs, ce qui nous empêchera de la qualifier de véritable débutante… même s’il est indéniable que subsiste ici une vraie fraîcheur contribuant largement au charme de l’album (comme dans le lo-fi "How Was Your Day?", qui tranche avec la finition plutôt luxueuse du reste de l’album). "Fake It Flowers" mêle des chansons datant des 17 ans de Bea, et des morceaux composés au moment de l’enregistrement, surtout dans la mesure où celui-ci n’était pas prévu aussi tôt, mais a été anticipé du fait de l’annulation des tournées prévues.


Bea Kristi affirme un peu partout qu’il s’agit là plus ou moins de la totalité de l’histoire de sa vie, encapsulée en 12 chansons, et on aurait donc tort de lui reprocher des préoccupations qui sont celles d’une jeune femme de son âge, avec une vision de la vie qui semble tout droit sortie de comédies romantiques hollywoodiennes. "Fake It Flowers" fait cependant une utilisation massive du style, voire même de l’esthétique, du rock indie des années 90, offrant un mélange hautement instable entre guitares noisy et mélodies pop sucrées, débitées ici avec la voix enfantine de rigueur. A la fois très prévisible – rien qu’on n’ait pas entendu avant – et irrésistible comme la bande son d’un feel good movie branché, l’album alterne les morceaux rêveurs bien au goût de 2020, et les accélérations rock / grunge (si l’on veut, car tout ça reste évidemment très soigné, très propre).


S’il y a une (petite) déception ici, c’est surtout au niveau des paroles qu’elle se situe, qui enfilent les banalités, échouent quand elles tentent d’être un peu plus poétiques, et ne font que souligner l’immaturité (logique) de la compositrice. Finalement, on préfère quand Bea appelle un chat, sans craindre la vulgarité comme sur le combattif "Dye It Red", qui dit leurs quatre vérités aux mâles abusifs : « Kiss my ass, you don't know jack / And if you say you understand, you don't / Fuck me only when I'm keen / Not according to your beer » ( « Va te faire voir, tu ne connais rien de rien / Et si tu dis que tu comprends, eh bien non / Baise-moi seulement quand j'en ai envie / Pas parce ta bière te dit de le faire »)


Maintenant que la jeune femme s’est fait remarquer, et favorablement, grâce à une indéniable sûreté dans la composition de morceaux plaisants, voire accrocheurs (le single "Care"), il va falloir que son second album confirme qu’elle est capable d’injecter un peu de substance derrière cette forme soignée. D’ailleurs "Yoshimi, Forest, Magadene" clôt l’album dans un déluge sonique et sur un pic d’excitation émotionnelle du plus bel effet, comme une promesse que le meilleur reste à venir.


[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/01/03/fake-it-flowers-beabadoobee-et-linnocence-des-annees-90/

Créée

le 2 janv. 2021

Critique lue 115 fois

2 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 115 fois

2

D'autres avis sur Fake It Flowers

Fake It Flowers
grantofficer
7

Un début encourageant

Si l'on fait l'impasse sur leurs paroles franchement cucul la praline, les douze morceaux de Fake It Flowers offrent une plongée rafraîchissante dans un rock de tendance indie grunge aux tonalités...

le 28 mars 2021

1 j'aime

Fake It Flowers
Derrick528
8

Beabadoobee : le talent des 90's en 2020

J'ai découvert cette chanteuse grâce au passage de la chanson "Sorry" dans l'émission de France Inter : "Affaires sensibles" en avril dernier et j'ai tout de suite accroché, puis j'ai découvert ses...

le 5 août 2021

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25