Je suis très fan de ce groupe mais cet album a depuis l'annonce de sa sortie de quoi laisser sceptique. Entre les singles aux sonorités très dépaysantes pour du Green Day, la pochette immonde et la durée annoncée de 26 minutes, on avait de quoi s'inquiéter. La théorie qui tourne sur le net, c'est que c'est un album sous forme de bras d'honneur à la Warner car le groupe termine enfin son contrat. Je trouve ça stupide pour pas mal de points :
- Ils ont eu visiblement un très bon contrat avec la Warner. Les mecs sont chez eux depuis des années, ils ont eu le pognon pour tourner beaucoup de clips, ils ont fait des tournées mondiales, ont pu sortir une trilogie d'albums à quelques mois d'intervalle, ont sorti des best of avec quelques titres inédits à chaque fois, la maison de disques et le groupe ont visiblement bien joué le jeu chacun de leur côté.
- C'est la maison de disques qui se fera le plus de pognon sur les ventes dans tous les cas. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises, l'album est toujours au même prix qu'un album de 50 à 80 minutes qui sort pour les autres artistes. Y'a que le public qui achète qui se fait avoir (mais j'y reviendrai).
- Ils font bien le jeu de la promo en se baladant à droite à gauche chez diverses radios, à donner des interviews, jouer les singles de l'album à la télé, sortir des clips et même faire un partenariat avec la ligue nationale de hockey... N'allez pas me faire croire que faire un album de 26 minutes complètement barré est un doigt d'honneur à la maison de disques de la part des petits punks de gauche qui vont à l'opposé de ces idées-là pour promouvoir le disque.
- C'est le public qui se fait le plus avoir car justement il paiera l'album au même prix. Parce que les fans de Green Day qui en ont encore quelque chose à faire du format physique, comme les fans de pas mal d'artistes dans notre société capitaliste, ils seront le premier public visé lorsqu'il s'agira d'acheter le vinyle et le CD le jour de sa sortie, au prix fort. Ca me semble limite irrespectueux comme concept de dire "On fait un album pourri mais on joue à fond la carte de la promo quand même pour que vous ayez envie de l'aimer et de l'acheter". Bah oui c'est humain, si l'artiste montre qu'il est emballé par son projet, le public trouvera la démarche sincère. Alors si elle ne l'est pas, c'est carrément irrespectueux.
Mais bon, le concept de l'album semble vraiment cool sur le papier : revenir aux bases du rock en proposant quelque chose qui va droit au but et qui est fun. Le texte qui n'a ni queue ni tête posté par le groupe sur les réseaux sociaux pour annoncer l'album donnait envie.
Ce qui est toujours drôle aussi, c'est que Green Day est un groupe qui s'auto-pompe assez régulièrement. Allez voir n'importe quelle chanson du groupe sur Youtube dans la section commentaires, y'aura toujours des gens qui diront "Oh de 0:30 à 0:46 c'est la troisième phrase du premier couplet de telle chanson sortie il y a 12 ans". C'est d'ailleurs assez drôle de voir que certains manquent cruellement d'oreille musicale en rapprochant deux morceaux qui n'ont rien à voir (ou en ne voyant pas de lien évident entre ces derniers) mais j'aime bien ce jeu-là aussi. Cela étant dit, Green Day a beau s'auto-pomper et utiliser assez souvent les mêmes suites d'accords dans énormément de morceaux, il y a toujours des gens qui vont les lâcher à chaque album pour je ne sais quelle raison... Alors que la formule est la même depuis des années, seul le son change pour chaque album. Ou plutôt, dès que la formule est la même qu'avant on traite le groupe de fainéants qui ne savent pas se réinventer, et quand ils font quelque chose de différent on leur dit que c'est naze. Les pauvres gars quoi. Enfin, assez parlé de la communication, on va maintenant parler de l'album !
La production est assez particulière, même si je la trouve meilleure que pour Revolution Radio. La voix est souvent bourrée de filtres et de choeurs, la production est très lourde pour pas grand chose : gros son de guitare, grosse batterie, basse audible, mais on perd en dynamique. C'est Butch Walker qui s'y est collé et je trouve que ça manque un peu d'âme même si ça ressemble toujours à du Green Day dans le son (de guitare en particulier) ce qui est plutôt balaise malgré la patte du producteur.
Pour les paroles, c'est juste n'importe quoi, mais ça colle au concept de l'album. Il y a évidemment des punchlines dignes d'ados de 14 ans dans l'album, le genre de trucs que moi j'aime toujours beaucoup avec cette poésie de comptoir, mais rien de sensationnel.
Avec Father of All, ça semble mal parti pour le retour aux sources annoncé. Le titre est très perturbant lors des premières écoutes car Billie Joe chante la majorité de la chanson en falsetto, et les refrains avec une voix aiguë qu'on ne lui connaît que lorsqu'il hurle en concert entre deux phrases d'un morceau pour chauffer le public. Le titre ne casse pas des briques en plus, c'est plutôt convenu même si ce n'est pas désagréable à écouter.
Fire, Ready, Aim m'a laissé à sa sortie et me laisse toujours bien circonspect. C'est un Father of All bis avec des claps qui s'ajoutent aux percussions et une voix qui part encore plus dans les aiguës.
Oh Yeah est le premier titre du groupe à sampler un autre artiste, en l’occurrence du Joan Jett. les ah ah ah ah en arrière-plan dans le mixage reprennent peu ou prou la même mélodie que ceux de Fire, Ready, Aim. Je me demande sérieusement comment ils vont faire pour gérer convenablement ce titre en Live. J'ai vu une vidéo sur un plateau télé et c'était ennuyeux comme la pluie puisqu'il devaient jouer avec une piste de soutien, mais avec un vrai public ça peut peut-être donner quelque chose. La structure se barre bien en Live aussi, entre le couplet, le pré-refrain et le refrain (qui vient du titre de Joan Jett), c'est un patchwork de trois titres différents. Mais le changement de tonalité, c'est toujours très satisfaisant en musique.
Meet Me on the Roof j'ai beau l'avoir écouté plusieurs fois, je n'arrive pas à retenir la mélodie. C'est joli et ça change de ce à quoi Green Day a pu nous habituer c'est clair, comme tout l'album, mais c'est assez anecdotique malgré un certain travail sur les arrangements et la mélodie.
I Was a Teenage Teenager est jolie comme chanson. On a une intro avec uniquement la basse et la voix, une première je pense dans l'histoire du groupe. La ligne de basse n'est pas très innovante et c'est un peu étrange de commencer un morceau comme ça, mais le morceau passe bien sans être très mémorable. Il y a des petits passages au clavier bien prononcés, la batterie tape bien et on retrouve une partie de la mélodie d'Amy avec les "But I cannot lie". Enfin, comme Amy reprenait déjà en partie la mélodie de Shoplifter, ça viendrait plutôt de Shoplifter.
Stab You in the Heart c'est Fuck Time mais sous cocaïne. Fuck Time qui reprenait un riff ultra connu dans le monde du rock'n'roll et surtout grâce au Jailhouse Rock d'Elvis. Pour la mélodie du refrain, ils s'inspirent pas mal de Dizzy Miss Lizzy de Larry Williams, ressuscitée quelques années plus tard par nul autre que les Beatles. C'est tout sauf original mais efficace et amusant.
Sugar Youth est plutôt sympa malgré son intro stéréotypée avec le riff de guitare avec un filtre et pas très fort avant d'envoyer la sauce... On retrouve du Lazy Bones dans la mélodie des couplets, y'a les paroles "I've got a fever, a non-believer" de Peacemaker, pour le dernier couplet c'est pas dur on reprend la mélodie de ceux de Oh Yeah, mais le refrain est efficace. Le titre est fun et agréable à écouter, j'aime plutôt bien en fait.
Junkies on a High c'est innovant pour du Green Day mais monstrueusement ennuyeux je trouve. On suit la progression d'accords de Boulevard of Broken Dreams (et donc par extension d'Ashley) avec un tempo à la Dr. Dre période 2001. La batterie est bien lourde, les claviers appuient discrètement comme le titre Still D.R.E du plus célèbre des rappeurs-producteurs, mais la mélodie tombe à plat et le titre parait très long et répétitif. C'est très bien de tenter des trucs et ça rappelle rapidement Nightlife où on sentait cette influence Hip-Hop, mais c'est vrai que si le résultat est ennuyeux, c'est que ça ne valait peut-être pas le coup d'essayer.
Take the Money and Crawl je trouve l'introduction plutôt laide. Je vois bien ce qu'ils ont essayé de faire, mais ce n'est pas joli. Et on reprend ensuite le cliché de la guitare qui commence toute seule avec le riff juste avant l'entrée de la batterie, des autres pistes de guitare et de la basse. La distorsion sur la voix de Billie Joe ne rend pas très bien. Le morceau manque d'âme même s'il se veut rock à l'ancienne sur le papier. C'est le morceau le plus oubliable de l'album pour moi.
Graffitia commence avec une ligne de basse qui reprend grossomodo le riff d'Angel Blue mais en plus lent et joué autrement... Il y a des restes de I Fought the Law dans les couplets. La distorsion est trop forte sur les refrains et c'est laid. Il y a une petite tentative de faire quelque chose de mélodique avant de reprendre chaque couplet et j'aime bien ces quelques secondes de calme. Le clavier me laisse perplexe sur ce morceau mais ça change un peu de ce qui aurait pu être un titre de Green Day tout à fait banal. Du coup là ils lâchent tout, c'est le feu d'artifice final, on met des chœurs dans tous les sens. Ça marche toujours avec Green Day, et même pour un album de 26 minutes, il faut bien des paillettes pour terminer.
C'est sans aucun doute l'album de Green Day qui m'a rendu le plus mitigé à la première écoute, mais j'aime bien la plupart des morceaux pris individuellement. Ça n'a rien d'un excellent album en partie parce qu'il est trop court, c'est juste correct (d'où la note), mais je retrouve le groupe que j'aime quand même et ils se sont enfin sorti les doigts pour essayer des sonorités différentes tout en conservant des bouts de mélodie et des suites d'accords qu'ils connaissent par cœur.