En décembre 2019, lorsque le monde a appris que Beneath the Massacre revenait à la vie, une petite larmichette a été versée par votre serviteur. Je me suis souvenu de Mechanics of Destruction et Dystopia que j’écoutais en boucle étant plus jeune, qui ont forgé mes goûts. Deux albums que j’avais totalement oubliés, et la formation québécoise avec. Rien de nouveau depuis Incongruous en 2012. Après ça, silence radio pendant plus de 6 ans. Ainsi, lorsque ce Fearmonger a été annoncé, difficile de savoir à quoi s’attendre. Cette période d’absence aurait-elle adouci les moeurs ? Allions-nous renouer avec le Beneath de 2012 ?
Autonomous Mind, premier single teasé pour l’album, n’a laissé aucune place au doute : on retrouvait un Beneath the Massacre plus brutal qu’il ne l’avait jamais été. Plus violent, plus technique, plus complexe. Plus tout. Avoir échangé Patrice Hamelin contre Anthony Barone à la batterie semble avoir donné un sacré coup de fouet au quatuor qui est indubitablement passé à la vitesse supérieure avec Fearmonger. Bien, bien supérieure.
La première écoute est la plus impressionnante. A l’inverse d’autres oeuvres qui nécessitent de nombreuses sessions d’écoute, cet album marque l’auditeur immédiatement, ou il ne le marquera pas du tout. Cette impression de se faire tabasser pendant 30 minutes, de subir un rythme inhumain, d’être constamment sonné par ce qui se passe dans nos oreilles. Beneath the Massacre est un 38 tonnes lancé à pleine vitesse façon Mad Max, et si vous ne parvenez pas à suivre, tant pis pour vous. Pas le temps de niaiser.
Une demie-heure pendant laquelle votre cerveau est frappé contre votre boîte crânienne à raison de 260 battements par minute. Et à part ces 30 secondes salvatrices sur la fin de Return to Medusa (judicieusement placées à la moitié de l’album), pas une seconde de répit. Le recette reste inchangée : on reconnaît immédiatement les riffs en tapping “8 bits” de Chris Bradley entrecoupés de palm mutes très slam ; le timbre vocal d’Elliot Desgagnés à mi-chemin entre le growl et le pig squeal. On remarque que le changement de batteur a été bénéfique puisque le jeu plus mécanique de Barone sied à merveille à la machine Beneath the Massacre. Tout semble plus rapide que sur les précédents opus, avec des gravity blasts et des roulements qui articulent à merveille les compositions de Fearmonger.
Beneath the Massacre n’a jamais autant mérité son appellation de Death technique qu’aujourd’hui. Tout est joué avec une précision chirurgicale, qui contraste avec la brutalité colossale qui se dégage du disque. Ce n’est pas un passage à tabac lors d’une vulgaire baston de rue, c’est une mise à mort en règle délivrée par une équipe de bourreaux surentraînés. Fearmonger possède cette urgence propre au brutal death et en même temps un sens aiguisé de la composition qui fait que le disque ne donne jamais l’impression de tourner en rond. La durée de l’album y joue certes un rôle, mais réussir à captiver l’auditeur aussi profondément est un exercice difficile dans le genre.
L’aspect jusqu’au-boutiste est également une grande force de Fearmonger. On a ce déluge de parpaings (presque) ininterrompu soutenu par une production d’une débilité abyssale où tout sonne extrêmement fort. Aucun compromis ne semble avoir été fait durant le processus de production de l’album alors qu’on imagine un travail monstrueux en amont pour avoir un tel rendu : malgré son côté très artificiel dans le son et les riffs, ce nouveau Beneath the Massacre reste cohérent et presque organique tant il a été fignolé à l’extrême.
Un dernier point, et pas des moindres : on peut trouver de nombreux groupes qui réalisent des exploits en studio mais qui sont incapables de porter proprement leurs compositions sur scène. Et c’est peut-être ça qui me fait tant aimer cet album : le rendu en live est à couper le souffle, d’une intensité au moins égale à cette du disque. Vus en tournée avec Archspire, formation dont la réputation n’est plus à faire, Beneath ont pour moi volé la vedette ce soir-là. Leur prestation fut douloureuse à regarder tant l’entité canadienne semblait sur le fil tout le long du set, avec des musiciens dont la concentration suintait par tous les pores pour réussir à tenir le rythme imposé par leurs compositions chimériques. C’était prodigieux.
Difficile de trouver à redire sur Fearmonger qui a ramené Beneath the Massacre sur le devant de la scène immédiatement. Maîtrisé de bout en bout, puissant, implacable, j’accepte de poireauter encore 8 ans jusqu’au suivant s’il est de cette trempe. Mais c’est un problème avec les oeuvres aussi abouties : comment ne pas craindre d’être déçu par la suite ?
Chronique publiée sur Metalorgie disponible sur ce lien : https://www.metalorgie.com/groupe/Beneath-the-Massacre