Tu aurais pu vivre, encore un peu.
Quelle n'a pas été ma peine lorsque j'ai appris la disparition de Jean Ferrat le 13 mars 2010. Inconsolable, et encore aujourd'hui très affecté.
Un homme qui a su tout au long de sa carrière affirmer ses convictions, sans perdre de vue ses valeurs, ni céder au diable du show-business, des strass et autres paillettes.
Il m'est même difficile d'avoir à le noter tant le rapport que j'ai entretenu (et que je continue d'entretenir) avec lui est étroit. Mais bon, c'est le jeu du site.
Si j'ai toujours différencié l'homme de l'artiste de manière générale dans le monde de la musique, j'avoue être un peu coincé avec le cas de Jean Ferrat étant donné le sans-faute absolu de l'homme et du chanteur.
Savoir critiquer ce qui est critiquable mais surtout savoir le faire n'est pas chose aisée, et pourtant tel a été son combat. Aujourd'hui nous nageons malheureusement entre le politiquement correct, le conditionnement, la démagogie et la censure, une mer toxique où nous avons fait naufrage.
J'ai grandi avec sa musique, ses interprétations des textes d'Aragon, sa poésie et ses engagements qui ont eu une grande influence sur moi. Il doit être également le seul artiste dont je connais l'intégralité de l'œuvre sur le bout des doigts.
Chanter l'idéal communiste à une époque où les simples esprits auraient eu tendance à le résumer par des associations simplistes avec ceux qui l'ont perverti, c'était osé.
Critiquer le sionisme bourgeois à une époque où l'on ne peut plus s'exprimer même si l'on porte le nom de Tenenbaum, c'est courageux.
Et chanter l'amour, la paix, la fraternité entre les peuples, de manière presque entêtée dans un climat où ces valeurs deviennent tristement galvaudées, c'est simplement beau.
Et que dire des chansons plus personnelles qu'il a pu écrire, ses déclarations d'amour à la Femme, ses hommages rendus à ses propres amis, son duo avec Christine Sèvres...
Tenez, une anecdote touchante que j'avais entendue après son décès: il arrivait que des anonymes aux quatre coins du globe lui envoyaient leurs propres poèmes en adressant tout simplement : « Jean Ferrat, poète, France ».
Et s'il continue d'en vendre des dizaines de milliers par année, sans aucune promo faite en amont, il y a bien une raison.
Ca sera donc un 10, non pas pour cet album finalement (choisi parce qu'il a été le premier de ma collection dans mes souvenirs), mais pour l'ensemble de son œuvre. Tout à fait abordable, et très mélodique en plus de ça, interprétée par sa voix si chaude.
Ah, et c'est également un excellent guitariste (je vous renvoie par exemple au morceau «Federico Garcia Lorca» et ses superbes solos très hispaniques). Et musicalement, c'est également très varié. Il a su épouser l'air du temps en adoptant même un style rock (je pense entre autres à la chanson "Dingue") sur l'album Ferrat 91, un de ses derniers, carrément réussi.
Un homme véritable, humble et juste comme on n'en voit plus, dont la disparition résonnera encore longtemps comme un tocsin amer.
Je reste néanmoins optimiste en me disant que malgré son absence, ses écrits demeureront, conférant ainsi à l'homme son statut d'immortel.