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Festivál
6.6
Festivál

Album de Santana (1977)

De tous les albums de Santana des années 70, Festival se traîne une réputation de mal aimé encore aujourd'hui. C'est l'album qu'on oublie par excellence. Surtout qu'il passe juste après Amigos, l'énorme carton de l'année 76 pour Santana (l'instrumental Europa se répandit avec bonheur dans le monde entier (1)).


Alors quoi ? Est-ce justifié depuis tout ce temps cet oubli ?
N'est-ce pas juste parce que Santana a en fait voulu mettre la charrue avant les boeufs en sortant coup sur coup deux disques sans laisser le temps au public de se retourner ? Etant dans plusieurs cycles de musique notamment l'intégrale du groupe de Carlos Santana dans sa période dorée des années 70, il était inévitable que mon chemin rencontre la route de ce disque. Contextualisons juste un peu le groupe et son guitariste leader à ce moment-là, voulez vous ?


Dans l'histoire du groupe et de son guitariste dont il est indissociable, même si ce dernier a aussi en parallèle mené une carrière solo, et plus précisément dans les années 70 on peut distinguer d'abord le Santana de la première période (1969 => 1971). Des tueurs, des musicos assoiffés de rythmes latinos et de rock énergique bien bourrin (se rappeler l'excellente prestation du groupe alors à ses débuts juste sur la scène de Woodstock ce samedi 16 août 1969 avec un Soul Sacrifice d'anthologie de 11mn (2)). Un mélange risqué mais pourtant parfait de bout en bout, un miracle musical.


Après trois albums de haute tenue même si Santana III commence à sentir à certains endroits la redite (3), le groupe alors en plein mélange alcool-sexe-dope commence à imploser un peu de l'intérieur. Pour éviter de se bouffer de lui-même, Carlos Santana va donner une impulsion plus mystique à sa musique. Comme il le dira dans un livre de ce bon vieux Philippe Manoeuvre (4) : "Abraxas c'était la découverte du sexe sur la banquette arrière, Caravanserai, c'est la découverte de la spiritualité". Avec Caravanserai (1972), Santana part dans une autre direction, toute aussi intense, toute aussi mystique. Le ressenti de rock bouillonnant reste inchangé mais se dote de compositions différentes, plus tournées vers la world-music sans pourtant perdre ce qui fait l'âme de cette musique.


Paradoxalement dès 1972, Carlos Santana adopte une carrière solo de côté qui n'a rien à envier à celle avec son groupe si ce n'est qu'elle sera parfois plus avant-gardiste ou expérimentale par moments. C'est déjà un album live ultra bouillant enregistré dans le cratère d'un volcan avec un Buddy Miles parti de chez Hendrix (5) puis l'année d'après en 73, un album avec John McLaughlin articulé autour de leur amour commun de John Coltrane sans oublier une collaboration avec la veuve de ce dernier en 1974. Mais revenons à Santana, l'entité.


Après donc une nouvelle trilogie "mystique" (Caravanserai, Welcome et Borboletta (6)), Santana le groupe et le guitariste vont commencer à vouloir mettre des tubes au sein du groupe. Certes, il y avait déjà eu auparavant l'excellente reprise du Black magic woman de Fleetwood Mac (7) mais pour le reste, et même sur ce titre, Santana ne faisait pas de compromis. Avec Amigos (1976) le fléchissement arrive. Europa est un hit, magistral. Qui balaie tout. Amigos s'impose disque d'or aux U.S.A et double disque d'or en France. Or surprise, l'album s'avère avoir des hauts et des bas. Une première après un travail collectif où rien n'était à jeter. Certes la qualité reste bonne mais on se surprend à trouver des titres trop long comme si on étirait pour combler la place (seulement 7 titres) et une sensation de déjà vu s'installe. Et ce n'est pas en prenant une guitare acoustique pour la première fois au sein du groupe (8) sur le morceau Gitano que l'ami Carlos balaie l'étrange sensation.


Surtout Amigos entame la période où Santana se remet en question face à l'arrivée du Disco et bientôt du punk et du hard rock. Suivent alors des albums plus faibles qui entament une longue période de déclin mais pas forcément dénués de bonnes choses au fond comme Inner Secrets, Marathon (9) et ....ce fameux Festival (de 1977).


Bon alors maintenant revenons à nos moutons.


Festival commence bien. Très bien même. L'enchaînement des trois premières pistes, Carnaval, Let the children play et Jugando est intense (10). Quelle claque. On retrouve là le Santana qu'on aime, qui en a (des guitares. Vous espériez quoi ? Rho non mais !). Je dirais même que le groupe et son guitariste n'avaient pas été aussi incisif sur Jugando depuis un moment. C'est furieux.


Quand arrive la quatrième piste on est d'un coup freiné net. Ah merde. Pourtant Give me love n'est pas un mauvais morceau. Chanson d'amour au tempo doux, on ne s'attend pas à ça de la part de Santana. Admettons. Surtout que j'aime les trucs sucrés. Bon, point trop n'en faut. Mais ça tient. C'est beau et habile. Je ne sais pas si l'on roulera autant de pelle que sur du Barry White ici mais l'intention y est je pense.


Verao Vermelho est un instrumental festif bien mené où les choeurs féminins paraissent un peu déplacés... Mais oui ça marche bien aussi. Mais on est en dessous des trois premiers morceaux. Et d'ailleurs là est le problème : plus on va avancer dans le disque plus la qualité va commencer à baisser. Let the music set you free fait encore illusion. Santana tente le rock-funk-latino. Et honnêtement c'est pas dégueu non plus. Revelations est l'autre bel instrumental du disque. On sent que le groupe veut reproduire un instrumental magique et poignant comme pour Europa mais ce n'est pas ça. Très bonne montée en progression des percussions cela dit pour amener à une explosion de guitare électrique.


Bon, Reach up. C'est sympa. C'est chouette en soirée boîte de nuit ou pour se reposer avec une bonne pina colada en voyant le soleil se coucher mais on perd un peu l'énergie brute de Santana. The river, mignon, gentille chanson pop, un peu indigente, mièvre. Try a little harder, bon là on est dans Santana qui s'auto copie. Là où les trois premières pistes retransmettaient bien l'aspect festif de ce "festival", ici ben, c'est gentil, la guitare électrique est bien (Carlos n'est pas un manchot) mais, bof, bof. Déjà vu, un peu mou, un peu énergique, difficile à expliquer. le dernier morceau aussi, copie de copie....


En somme l'album n'est donc pas si mauvais qu'on veut nous le faire croire. Il est même assez bon. 3 pistes indispensables à tout fan du groupe ou tout mélomane de rock 70's, une poignée de bons titres et quelques trucs un peu mou/moyen. Mais non ce n'est définitivement pas la purge qu'on a voulu me vendre hein. Donc album mal aimé à réhabiliter oui !


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(1) Hop : https://www.youtube.com/watch?v=Ot6pSrKT1oc
(2) Hop bis : https://www.youtube.com/watch?v=7dTH32ClRwI
(3) Cet avis n'engage que moi. Mais je trouve Santana I et Abraxas parfaits (et même visuellement leurs pochettes sont incroyables). Pendant longtemps je n'ai pu trouver le troisième album. Quand je l'ai enfin à portée de main je découvre qu'il est très bon mais qu'il me semble être un peu comme dans le déjà vu à certains moments et donc un poil en dessous des deux autres.
(4) : https://www.senscritique.com/livre/La_discotheque_rock_ideale/1307768
(5) Album plus que recommandé aux amoureux de guitares et batteries folles et rock bien intense à la frontière du psychédélique. Au passage quelqu'un connaît ce qui s'est vraiment passé pour que Buddy Miles ne soit plus avec Hendrix en février 1970 ?
(6) De nouveaux trois disques parfaits de mon point de vue, hein.
(7) : Et hop hop hop : https://www.youtube.com/watch?v=wyQUCYl-ocs
(8) On l'entend en revanche déjà un peu en acoustique quand il joue avec John McLaughlin.
(9) J'ai fait une jolie chronique pleine d'amour sur celui-ci. N'hésite pas à la voir ami lecteur, je ne suis qu'amour.
(10) yolo : https://www.youtube.com/watch?v=t7N7JLwzibU

Nio_Lynes
7
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le 17 oct. 2018

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Nio_Lynes

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