Le marteau et la faucille
Ho, regardez là haut !! C'est The Roots ? C'est True Live ? Hé non, c'est... Flobots ! Forts d'un premier EP sorti l'année précédente, les deux MC's Jonny 5 et Brer Rabbit, accompagnés de leurs acolytes zicos, balancent ici leur première galette. L'OVNI du hip-hop jazzy, qui trimballe habituellement son groove dans les montagnes enneigées du Colorado, a pointé le bout de son mic hors de Denver pour le plus grand plaisir de nos oreilles, mais aussi de nos cervelets.
Fight with tools, c'est du hip-hop tel qu'il devrait l'être, polyvalent, groovy et conscient, mais c'est avant tout un pamphlet contre la guerre en Irak menée par les Zitazunis. Et plus largement contre la politique, d'ailleurs. Les textes sont donc engagés, bien tournés, et rien n'y échappe : Guantanamo Bay, les assassinats politiques, l'Irak, mais aussi des problèmes de politique interieure comme l'exclusion, l'inégalité... Au fil des pistes, le groupe dresse un état des lieux du pays, à grand renfort d'instruments divers et variés, de la guitare et la basse au violon, en passant par la trompette, et j'en oublie.
Nos deux rappeurs annoncent d'ailleurs d'entrée la couleur, en nous rappelant -si besoin est- dès l'intro que "There's a war going on for your mind", véritable mise en garde contre le pouvoir en place (rappelons qu'à l'époque c'est l'administration G.W.Bush qui arrive en fin de second mandat). À chaque morceau son thème :"Stand Up" pour la politique de suppression des leaders gênants, "Anne Braden" pour l'hommage aux droits civiques, "Rise" pour l'appel à la révolte pacifique, thème également abordé sur "We are winning" (« If you are thinking, you are winning / Resistance is victory / Defeat is impossible »), ainsi se poursuit l'album.
La panoplie d'instruments toujours très judicieusement utilisée, sans surcharge inutile, permet aux compositeurs d'écrire des riffs aussi originaux qu'entraînants.
Mention spéciale à trois morceaux : "Mayday!!!", et son riff de guitare énervé, son flow à rebonds, et ses cuivres (et violons !) qui maintiennent une ambiance jazzy derrière tout l'énervement lyrical des MC's.
Ensuite, la claque groovy de l'album, "Combat", et j'insiste bien sur celui ci, tant il est impossible de résister à l'envie de bouger la tête devant la performance de la basse, qui accompagne d'abord un beatbox des rappeurs, avant de se démarquer progressivement pour finir sur un slap funky.
Enfin, comment passer à côté du morceau le plus touchant de l'album, "Handlebars", ou la B.O du film nostalgique de votre vie, avec sa boucle de violon joué aux doigts, et sa mélodie à la fois triste et entêtante. L'opposition entre le premier, le deuxième et le troisième couplet (un homme simple VS une multinationale VS le Président des USA), la montée progressive en intensité des instruments (expliquée par ladite opposition), mais aussi du flow (on jurerait même entendre Eminem sur l'intro, tant le phrasé est similaire à celui du rappeur de Detroit) en fait le morceau le plus symbolique de l'album, "Flobots in a nutshell" comme qu'est-ce qu'ils disent Outre-Antlantique. Allez, petit bonus, juste pour l'anecdote : le hook du morceau a été enregistré via le répondeur téléphonique de la maman de Jonny 5.
Flobots n'est pas le premier groupe à mêler rap et rock (voire funk), et ne sera pas le dernier, mais c'est un de ceux qui réussiront le mieux à réunir les fans des deux univers. Leur jeu de rythmes et leur verve devrait ravir les amateurs de mélange des genres, ou au moins les férus de textes politiques et engagés (ou suis-je le seul ?). En d'autres termes, un Rage Against The Machine en plus smooth et groovy, mais pas moins enragé.