Figure 8 par Anthony Boyer
Figure 8 s'inscrit dans la plus pure trajectoire qu'Elliott Smith a emprunté depuis son premier album, Roman candle. Les premières notes de 'Son of Sam' confirment cet état de fait. Guitare et piano se soutiennent l'un l'autre en une mélodie claire et sobrement rythmée jusqu'à ce que le morceau s'emballe quelques peu et emprunte des sonorités résolument rock. 'Junk bond trader' ou 'L.A.' sont d'autres titres sur lesquels les riffs sont particulièrement accrocheurs. Cependant, Elliott Smith nous a d'ores et déjà démontré qu'il appréciait souffler le chaud et le froid. Désormais coutumier du fait, il enchaîne avec une diversité certaine ce genre de titres pêchus avec d'autres plus subtils, enclins à évoquer la mélancolie ('Everything reminds me of her', 'Easy way out'). Figure 8 a beau proposer son lot d'originalité tant en termes de composition qu'au niveau des arrangements, il n'en demeure pas moins que le monde de Smith reste le même. Les démons qui l'habitent ainsi que ses errements d'humeurs sont restés intacts. 'Everything means nothing to me', chanson-spleen au pouvoir hypnotique indéniable, évoque les incompréhensions d'un homme qui ne sait plus distinguer l'endroit de l'envers, un être sans repère en perdition totale. Mais peut-être y a-t-il quelque chose à sauver de cette perdition ? Ainsi 'In the lost and found' retranscrit cette idée à travers une mélodie faussement guillerette. Les paroles n'en sont pas moins inquiétantes : « I'm alone / That's ok / I don't mind / Most of the time / I don't feel afraid to die / She was here, passing by ». 'Stupidity tries' relève du meme register, et que dire de 'Wouldn't mama be proud' qui simplement par son titre en dit long.
Ce cinquième album d'Elliott Smith est d'une richesse certaine et si le chanteur continue à expérimenter dans le domaine du rock alternatif , il reste fidèle à son amour pour le folk : en témoigne la sublime 'Better be quiet now'. N'en reste que l'échec commercial de cet album accentuera les différents problèmes d'Elliott Smith et consommera la rupture avec Dreamworks. Ainsi, c'est noyé dans les touches de piano gracieuses de 'Bye' qu'il achèvera le dernier album sorti de son vivant ; mais c'est avec son album posthume 'From a basement on the hill' qu'il signera son chant du cygne.