On le sait bien: la musique est un domaine ou la mauvaise foi est encore plus partie prenante que dans le cinéma. Dans ce dernier domaine, en effet, il y a un certain nombre d'éléments tangibles sur lesquels s'appuyer: scénario et histoire, jeux d'acteurs, qualité de la mise en scène et de la photo... bref, une longue liste qui permet de justifier peu ou prou son inclinaison initiale.
Certes, ce genre de chose existe en musique (production, jeu, influence de l'oeuvre, qualité des paroles) mais cela est bien vite balayé par d'autres éléments beaucoup plus déterminants: âge auquel on a écouté un disque, souvenirs liés à ce dernier, milieux dans lesquels on évolue au moment de..., ambiance recherchée (certains disques sont des chefs-d'oeuvres à l'apéro d'autres ne s'écoutent que seuls, etc etc...)


Bref, cette longue intro pour expliquer comment et pourquoi ce Fisherman's blues tient une telle importance dans ma vie.
Au départ, ces Waterboys n'ont pas grand chose à me raconter, en 1988, quand sort ce disque. Jusque là, les anglo-écossais étaient catalogués dans la nouvelle case "rock-un-peu-new-wave-a-tendance-héroïque", copains de genre avec Simple Minds) et ne m'avaient en aucune façon attiré l'oreille.
Mais voilà que les gars, après trois albums pourtant remarqués, partent vers l'Irlande et, accompagnés de musiciens traditionnels du cru, livrent un disque en tout point magnifique, parfaite fusion de pop-rock du moment avec des airs de traditionnels irlandais.


Dire que cette intrusion dans la musique irlandaise correspond pile-poil à mes trois séjours (un mois, trois étés d'affilée) étudiants et aux fabuleux souvenirs qui m'en restent serait bien réducteur.


Mike Scott (que je ne cesserai de suivre depuis) et ses poteaux ont ici capturé l'âme et le coeur d'un pays, restitué à la perfection toutes les magnificences d'un peuple fabuleux. Cette plongée folk et tradi nous résonne dans l'âme sans artifice, ses échos vibrent immédiatement dans nos os, quelque chose de totalement authentique émane de cette fusion pop-folk pourtant si souvent artificielle.


L'essai sera une nouvelle fois transformé avec "Room to roam" presque aussi beau mais pour le coup moins surprenant.


Il faut écouter par exemple "the bang on the ear", joué depuis la nuit des temps dans tous les pubs irlandais, ou les complaintes déchirantes comme "the stolen child" pour avoir une idée de la beauté de ce disque. Les perles sont légions, et les histoires d'amour nous disent tout de ces irlandais buveurs, soiffards et terriblement attachants, en un condensé d'humanité foudroyant ("We will not be lovers", "when will we be married ?"). L'humour, l'amour, mais aussi le désespoir simple qui brise les gens simple ("has anybody here seen Hank ?").


Oh, et puis merde !
Oubliez tout ce que vous venez de lire. Tant, il ne s'agit que de mensonges, de légendes.
Parce que les Irlandais sont menteurs aussi. Ça fait partie de leur charme. D'ailleurs, peut-être que le disque ne repose que sur ça ? Des bobards, mais très bien racontés ? (Pour preuve: la moitié du groupe n'est même pas du coin !)


Finalement, on s'en fout. Il n'y a que le résultat qui compte, et ce résultat, c'est une plongée dans l'âme celte, avec ses lutins, ses gobelins, ses pécheurs ivrognes, ses femmes fortes (moralement, hein ?) et vachardes, ses pubs bondés, sa pauvreté endémique... avant l'arrivée de l'euro, avant l'intrusion de toutes ces choses cartésiennes qui conviennent si peu à ce peuple chaleureux, accueillant et porté sur le goulot.
(Après tout, ce n'est pas pour rien que mon pseudo ici et ailleurs est un homonyme de la bière locale)


Vous vous sentirez immédiatement chez vous.
Au chaud.

guyness
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le 30 déc. 2011

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guyness

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