Forever Changes fait partie des albums qui change votre vie.
Fallait que je le dise pour commencer histoire que vous sachiez où vous allez foutre les pieds.
Donc, 1967. Année magique sur le plan musical, année prolixe, summer of love, Monterey, premier album de Hendrix, etc etc. C'est pour moi L’ANNÉE musicale du siècle. Ni plus ni moins. Et hop deuxième jalon posé.
Forever Changes c'est l'album de la beauté, de la beauté sublimée par la voix de Arthur Lee et les jeux de guitare de Johnny Echols (lead guitar) et Bryan MacLean à la rythmique.
Et puis y a cette célèbre pochette. Un fond blanc sur lequel sont posés en son centre les visages entremêlés des membres du groupe, le tout haut en couleurs. Superbe ! D'autant plus superbe que le ramage se rapporte au plumage. Et c'est pas souvent dans la musique.
Je classe Love parmi ces groupes que vous pouvez écouter toute votre vie sans vous lasser une seule fois. Pourtant choisir comme nom de groupe "Love" c'est assez pompeux à la base. Ça fait 'genre' on est dans le mouv' du délire des champignons, des sixties et du flower power, du hasch consommés matin, midi et soir au repas, ça fait 'tout le monde il est beau', et tout le tralala. Ouais bof pas convaincu outre mesure même si (comme me l'explique ma mère), cette période était cool et bien différente de celle que nous vivons actuellement. Bref, le nom est passe-partout, mais la musique à des années-lumière d'être passable et médiocre. Ici on navigue plutôt en first class, champagne, siège inclinable et hôtesse particulière.
La face A est une pépite taillée dans la roche. Une des plus belles qui soit dans le domaine (la face A). Enchaîner "Alone Again Or", "A House Is Not a Motel" pour aller se poser sur "The Red Telephone", c'est extraordinaire ! Oui, la face A est hallucinante.
Forever Changes c'est avant tout des guitares dissonantes et hispanisantes, mâtinées de rock'n'roll, mais aussi de mélodies mélancoliques et tourmentées. Voilà comment on pourrait résumer l'atmosphère générale de cet album, voire de Love dans son acception tout entière.
Bien entendu Arthur Lee est derrière l'écriture et la personnalité du gars joue pour beaucoup dans le caractère abîmé des chansons.
Cet album a été enregistré à l'été 1967, le fameux été 67. Sortie en novembre, il ne connut pas de succès immédiat. Mais les années passant lui ont donné ses lettres de noblesses, tant est si bien qu'il est désormais placé sur l'Olympe des productions des années 60. Un album devenu culte et incontournable.
Tu sors un album comme ça en 2013, t'es un tueur en série ! Mais à la fin des années 60 c'était monnaie courante les albums en or. D'où probablement le fait qu'il soit passé entre les mailles du filet de la reconnaissance à l'époque. Ça peut se comprendre quand on voit les pépites qui ont émergé rien que sur l'année 67 ! (Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, The Doors, Are You Experienced, The Piper at the Gates of Dawn, Surrealistic Pillow et Younger Than Yesterday pour ne citer qu'eux)
Bien que la face B soit un peu en-deçà de la face A, elle n'en demeure pas moins tonitruante.
Le premier morceau; "Maybe the People Would Be the Times or Between Clark and Hilldale" est un hymne de cette période. Selon moi une des chansons majeures de cette époque bénie, de la baie de San Francisco et de son voisin L.A., de la Californie et de tous ces groupes qui y venaient. De Boston à Détroit en passant par Washington ou encore Chicago, beaucoup sont ceux qui ont posé leurs fesses à l'extrême ouest du pays pour monter des groupes. C'est là qu'il fallait être et pas ailleurs. Love a connu ce "glissement" géographique en 1965. Arthur Lee et Johnny Echols étaient de Memphis, Ken Forssi de Cleveland. Seuls Bryan MacLean et Michael Stuart étaient de Los Angeles. "Live and Let Live" qui prend le relai de Maybe... reste sur la même lignée mélodique. Sur fond de guitare acoustique, la chanson nous entraîne encore une fois sur les routes fleuries où seul Love sait aller, et nous conduire surtout. Quant à "Bummer in the Summer", elle peut être considérée - à l'instar de "Subterranean Homesick Blues" de Bob Dylan en 1965 - comme une des toutes premières moutures de ce qu'on appelle communément de nos jours le rap. Écoutez donc cette chanson. Arthur Lee chante façon rap, c'est en décalage avec le reste de l'album. C'est surprenant autant que c'est bon.
Enfin, "You Set the Scene"clôt l'album aussi magnifiquement que Alone Again Or l'avait commencé. Une guitare acoustique en mode arpégial tisse la toile de fond, accompagnée par les cuivres de l'orchestre philharmonique de Los Angeles, lequel a été convié pour l'occasion. Les arrangements qui s'en suivirent furent effectués par Arthur Lee lui-même.
Ainsi tout au long de l'album, l'on a affaire à toute une ribambelle d'instruments qui viennent s'entrelacer les uns aux autres pour ne former qu'un seul et même corps; celui de FOREVER CHANGES.
Avec ce troisième opus de Love c'est à la vie à l'amour...forever.