L'autre soir j'étais encore à une petite soirée mondaine comme le Grand Nantes sait si bien les faire, avec tout le gratin dont moi-même et la chanteuse Björk. Alors qu'on se délectait d'un petit verre citronné de kefir, car nous portons une grande attention au bien-être de notre flore intestinale, un petit scandale a eu lieu le temps d'une dizaine de minutes.
Depuis le début de la soirée, tout le monde s'était effectivement rendu compte qu'il régnait une odeur nauséabonde dans la pièce, mais personne n'osait rien dire. Mr. F (dont je tais volontairement le nom ici) brisant tous les codes de la politesse s'est exclamé d'un coup : "Putain mais ça pue la merde d'un coup, vous trouvez pas ?". Dans le fond on était tous d'accord là-dessus alors naturellement tout le monde a commencé à se renifler mutuellement le trou du cul, comme toute personne civilisée a appris à le faire. Après cette investigation non-frucuteuse, tout le monde a pensé à inspecter ses chaussures, bien que la probabilité que quelqu'un ait marché dans la merde soit infime. Toujours pas de coupable... La tension était palpable dans la pièce, en plus de cette odeur de merde nauséabonde qui se faisait de plus en plus intense.
C'est alors qu'on a tous remarqué la petite Björk qui s'était mise dans un coin de la pièce et qui se tortillait de manière coupable, elle n'avait d'ailleurs plus dit un mot depuis le début de l'incident. Croyez-le ou non mais elle a refusé qu'on lui sente le cul comme tout le monde, si bien que les soupçons se sont vites tournés vers elle. C'est Mme. M qui nous a mis la puce à l'oreille : "Ho bordel Björk, ne nous dit pas que t'as recommencé ?". Björk regarde le sol, sans répondre. Malaise. "C'est toi qui vient encore de chier un album hein, c'est ça ??? Avoue-le au moins !". Effectivement, personne ne l'avait remarqué, mais depuis le début de la soirée, une sorte de fond sonore apparenté à de la musique résonnait sur les différentes baffles JBL disposées ci et là entre les toast de tofu et les verrines de melons assortis. Il s'est avéré que les engins diffusaient bel et bien le nouvel album de Björk, repoussant les limites de l'audibilité quand Utopia avait déjà mis la barre très très basse.
S'en est suivi une sorte de cacophonie générale, plus harmonieuse que cet album, et dans laquelle la petite chanteuse islandaise s'en est pris plein la gueule. On a notamment pu y entendre, sans citation d'auteur :
"Comment t'as pu nous chier quelque chose d'aussi peu musical ?"
"Non mais 54 minutes en plus, t'as cru qu'on avait que ça à foutre de perdre notre temps à écouter les caprices expérimentaux d'une quinqa névrosée en manque de sensations ????"
"C'est marrant car la partie moisie de ta discographie commence vraiment à peser plus lourd que la bonne dans la balance de ta carrière"
"Quelqu'un a écouté Trolla-Gabba sans avoir envie de tout péter autour de lui ????"
"Mais regardez ces gros lèche-boules de chez Pitchfork qui lui foutent un 8.4/10"
"Rassure-nous, Freefall c'est une vieille démo pas inspirée de Vespertine remixée à l'envers ????"
"T'avais pas dit que cet album donnerait envie de faire la fête tout seul pendant un confinement ??? Moi ça me donne plutôt envie de me flinguer au plus vite, même en étant pas confiné"
"Trop super ta pochette d'album conçue par Dall-E avec les mots-clés MUSHROOM DARK PRINCESS"
Moi j'assistais à cette scène d'une rare violence, tout interdit, et j'avais quand même un peu de peine pour Björk, car je pense que la violence n'est jamais la bonne solution face à un tel problème de musicalité.
Au final, Björk est partie sans demander son reste, on a mis Dua Lipa comme n'importe qui depuis 2020, et tout s'est très bien terminé...