1993/ Le vent se lève, au large des galaxies...
J'ai découvert Thiéfaine à 13 ans avec son concert volume 1 (en cassette).
Un an plus tard, j'avais toute la discographie, et Fragments d’hébétudes fut le premier album que j'ai attendu.
Vous comprendrez donc que je puisse avoir affection toute particulière pour cet album. C'était mon dépucelage musical en quelque sorte.
J'avais économisé les sous de mon argent de poche et je me rends à notre seul magasin de musique de la ville : La Carmagnolle (dont des petits malins s'amusait régulièrement à péter les lettre "Carma" de l'enseigne).
J’achète le CD, on est lundi. La semaine je suis chez ma mère, le week end, chez mon père. Et chez ma mère, point de lecteur de CD ( disque compact qu'on disait à l'époque).
Jamais une semaine ne m'a parut si longue. J'ai scruté, observé, décortiqué le livret comme jamais. J'ai lu tout les textes essayant de m'imaginer les mélodies. Comme je commençais à faire de la guitare, j'essayais les textes sur des mélodies de mon cru (une catastrophe).
C'est le seul album dont je connaissais les paroles avant même de l'avoir entendu.
Et enfin, le samedi arrivé, un voyage particulier m'a emmené loin, très très loin, "au large des galaxies".
C'est un album rock, très rock, limite rageux avec la furieuse intro de batterie de "Est-ce ta première fin de millénaire?", ma préférée de l'époque.
"Animal en quarantaine" chanson phare de l'album fut la première que j'appris à la guitare. Avec son piano léger, cette chanson vous emporte dans un mélodie cristalline et acoustique. Une balade vers l'infini.
En écoutant "Bruits de bulle", je retrouvais la description de ma petite copine de l'époque (comme de par hasard).
"Le rouge de ses lèvres
et le bleu de ses yeux
sur le blanc crayeux
de son visage laiteux"
L'album s'ouvre sur Crépuscule Transfert, une chanson qui aurait pu s’appeler aussi "Sarajevo Transfert". La guitare électrique sublime littéralement les paroles puissantes de cet hommage.
"Dans la clarté morne et glaciale
D'un ténébreux soleil d'hiver
Tu te blottis comme un animal
Sous les tôles rouillées d'une Chrysler"
De plus, cet album compte pas moins de 14 titres !
En comparaison avec Chroniques Bluesymentales, son précédent album qui n'en compte que 9, le bonheur se voit prolongé d'autant.
J'ai moins accroché (ou moins compris) "Une provinciale de petite bourgeoisie", que je classe comme une chanson assez moyenne.
Mais j'ai été totalement transporté par "Juste une valse noire", Maalox Texas Blues" ou encore "Terrien t'es rien".
Y'aurait tant à dire sur cet album si singulier dans la discographie de l'artiste. Cet album est pour moi un album charnière où maintenant Thiéfaine va écrire des chansons d'une poésie, d'une finesse et d'une force rare (à une exception près, mais nous y reviendrons)
Je propose simplement de lui laisser la parole pour finir :
"Dans les dédales vertigineux
et séculaires de ta mémoire
Tu froisses un vieux cahier poisseux
plein de formules d'algèbre noire
A quoi peut ressembler ton spleen
Ton désespoir et ton chagrin
Vu d'une des étoiles anonymes
De la constellation du chien ?"