Ornette Coleman décide de réunir en décembre 1960 sept musiciens autour de lui. Son but est de se faire confronter deux quartets en improvisation totale. D'un côté, lui-même au sax alto, Don Cherry à la trompette, Scott LaFaro à la contrebasse et Billy Higgins à la batterie. De l'autre, et de manière quasi symétrique, Eric Dolphy à la clarinette basse, Freddie Hubbard à la trompette, Charlie Haden à la contrebasse et Ed Blackwell à la batterie. Chaque quartet occupant un canal stéréophonique, il est recommandé d'écouter l'album au casque pour en apprécier toutes les subtilités.
Les deux quartets nous font vivre différents climats, jouant tour-à-tour à l'unisson en proposant des instants d'apaisement, ou, tel les deux contrebasses à la fin de l'improvisation, s'entrelaçant de manière chaleureuse et profonde. Mais ce qui fait tout le sel de cette improvisation sont ces passages captivants où les musiciens se répondent l'un l'autre, allant jusqu'à s'affronter et se télescoper pour nous amener dans un tourbillon d'une richesse que l'on a rarement atteint dans l'histoire de la musique.
L'exercice, risqué, aurait très vite pu virer à la cacophonie, il n'en est rien car la créativité, la virtuosité et le professionnalisme des musiciens présents font que l'écoute de ce disque exigeant, finit par se révéler jouissif pour quiconque ouvre son esprit et ses oreilles. Pour en apprécier toute la saveur, il ne faut pas perdre le fil, suivre au maximum chaque instrument, se laisser emporter dans une concentration constante. Le plaisir est à ce prix.