En 1968, Elvis Presley était un has-been. C'est triste à dire mais c'est comme ça. Depuis la fin de son service militaire, le roi déchu, toujours conseillé par son colonel, s'était bien plus consacré à sa carrière d'acteur, notamment lorsqu'il dansait gentiment à Hawaii, et signait dans le même temps des bandes-originales souvent mièvres et peu mémorables. Pendant ce temps-là, la révolution était d'abord venue d'Angleterre avec les Stones et les Beatles, puis plusieurs groupes rock ont fait irruption dans le paysage musical, rendant de suite démodé la musique de l'ex-King. Pourtant, lors du noël 1968 il réapparaît après 7 ans d'absence, plus en forme que jamais lors d'une émission intitulée Elvis, '68 Comeback Special et, tout de cuir vêtu, il connut un immense (et mérité) succès (https://www.youtube.com/watch?v=lmgayJyrKOc) : The King is back.
De retour sur le devant de la scène, le King s'entoure d'excellents musiciens et d'un producteur de qualité et retourne à Memphis plus de 14 ans après y avoir enregistré ses premiers succès dans les studios Sun. Elvis signe donc From Elvis in Memphis où il brasse toute la culture populaire américaine, de la soul au rhythm and blues en passant par la country. En plus de quelques reprises, le King joue quelques chansons composées pour lui, dans l'ensemble de qualité mais la vraie réussite du disque se trouve dans la façon dont Elvis, ainsi que son orchestre, se les approprient. On est assez loin des débuts du King, de ses succès, souvent avec un arrangement assez simple (mais terriblement efficace et parfois génial), comme All Shook Up, Jailhouse Rock ou le nerveux Hound Dog, ici il est vraiment dans la soul, avec des arrangements assez riches et plusieurs chœurs, et quelle réussite, il signe là un vrai retour.
Elvis est inspiré, sa voix est puissante et superbe, capable d'alterner entre différents tons, et surtout, elle fait corps avec l'excellent orchestre qui joue avec lui. Dès le premier titre Wearin' That Loved On Look, on retrouve un King plutôt dansant, les chœurs lui répondent dès le début et régulièrement, l'arrangement est assez soul avec un orgue omniprésent qui répond à une guitare plutôt funky. C'est vraiment ça qui marque, le King n'avait jamais enregistré de telle sorte par le passé et, en plus d'être sans fausse note, c'est vraiment plaisant à écouter, alternant entre ambiance parfois dansante, et d'autres fois plus tristes et bien souvent intenses. Les classiques s’enchaînent, dont bien évidemment le crépusculaire gospel Long Black Limousine, l'une des mes favorites du King avec ses magnifiques notes de pianos. Le country I'm Movin Home, la magnifique ballade In the Ghetto (et ses très beaux violons) ou encore le bluesy, sensuel et génial Power of my Love viennent s'ajouter dans la longue liste des grandes chansons du King. D'ailleurs, même les moins bonnes et mémorables savent se faire efficaces, bénéficiant toujours de la voix grandiose d'Elvis ainsi que des arrangements de hautes volés.
He's back. Après des années perdues dans le cinéma, le King revient aux fondamentaux et à ses racines, à Memphis pour reprendre gout à toute la culture populaire américaine. Il livre un album intense et très soul où sa magnifique voix grave se fond à merveille dans des arrangements parfaitement rodés et qui savent alterner entre différents tons. Après ce retour triomphal, le King enchaîna les tournées aux USA en voyant peu à peu sa santé se dégrader jusqu'à sa mort en 1977.