Désenchanté

Au-delà de ce que l'éventuel retour de Noir Désir pouvait provoquer de joie pour les uns et d'indécence pour les autres, que vaut cette tirade du groupe qui a rendu l'âme définitivement en 2011 après huit années de coma artistique ?

"Gagnants/Perdants" sied bien à notre époque évoquée dans le texte écrit et chanté par Bertrand Cantat pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. Misère sociale, migrants trahis, refus de la génuflexion face aux puissants gagneurs qui écrasent les petits de leurs acquis plus ou moins douteux. Cantat constate, joue un peu le grand frère (comme pour "L'Angleterre"). Nous pouvons être touchés par sa voix, son émotion appesantie, ou bien agacés du fait que Noir Désir nous les brise menu depuis quelques années dans ses engagements. Musicalement, c'est plan-plan comme si le groupe porte toute la misère du pays sur les épaules. La chanson ne vaut donc que par le texte qui risque d'irriter les "cons qui n'ont pas su dire non" et qui rétorqueraient à l'intéressé : "Cantat, on t'emmerde !". Finalement, on tient une chansonnette péniblement berçante sauf pour des groupies en pâmoison.

Sur l'autre face (façon imagée de parler du second morceau), c'est la reprise de "Le Temps Des Cerises". Bertrand Cantat chante, avec encore cette impression de ne pas desserrer les dents, cette espérance de voir un printemps français un jour, où par exemple Philippe Poutou devenu président de la République fera la Fête De L'Humanité tous les ans sur les Champs Elysées avec les stands casse-croûte merguez dans la cour du palais. On peut toujours rêver mais pourquoi pas ? Je rêve d'y voir des champs de blé à la place des pavés et du bitume de la célèbre avenue parisienne, avec un grand hangar de récoltes en lieu et place de la grosse boutique du PSG. Néanmoins, un abus de cerises peut favoriser l'apparition des aphtes. Cette reprise militante fait ressentir souvent un manque d'inspiration de Cantat, chanteur vidé par les évènements qu'il a vécu et desquels son image et son âme en resteront souillées.

Un simple qui annonçait un retour et provoquait une cohue numérique de téléchargements. Un simple, avec le recul, finalement inutile car Noir Désir devint un groupe fini car brisé et ce bien longtemps avant les annonces officielles de Serge Teyssot-Gay et Denis Barthe plusieurs années après.

critique modifiée le 12 septembre 2022