Il y a deux types d'albums. Ceux où les singles s'avèrent être l'arbre qui cache la forêt : les autres titres se révèlent aussi bon voire bien meilleurs que les quelques chansons mises en avant. Et il y a ceux où derrière les singles ne se cache pas grand chose... C'est hélas le cas de « Gallipoli ».
Zach Condon, la tête pensante et l'homme orchestre derrière Beirut, semble tourner en rond. Certes « Gallipoli » a plus de corps que « No No No », écrit et sorti alors que Zach se remettait d'une dépression. Mais ici, on a toujours envie d'ouvrir les fenêtres. Bon sang Zach, mais lâche toi ! Ton approche, inspirée par le meilleur des influences européennes et américaines, est géniale : puiser dans le folklore, à la frontière entre musique savante et populaire, en mixant instruments réels sonnant merveilleusement bien et électronique, avec quelques distorsions pour relever le tout. Personne ne fait ça mieux que toi. Alors pourquoi rester sur ces accords « fermés » ? Tu enchaînes 3-4 accords, puis tu reviens sur le premier, et tu tournes en boucle. Pourquoi ne crois-tu plus en toi ?
Je ne sais pas vous, mais quand les cuivres et les cordes s'emballent à partir de quelques accords prometteurs, je me de dis que ça y est on va décoller, comme avec la musique symphonique française fin XIXème - début XXème (Fauré, Debussy et Poulenc en tête) ou comme avec les meilleures musiques de films (Bernstein, Legrand – paix à son âme – ou encore Hisaishi, si si !). Condon aurait pu se faire beaucoup plus lyrique sans verser dans la caricature, tellement sa musique sonne « juste », tant elle est fine et subtile. On est comme coupés dans notre élan, les envolées que l'on souhaiterait encore plus généreuses se révèlent un peu chétives, ou tout du moins hésitantes. L'assurance triomphante de « The Rip Tide » s'est envolée.
D'autant plus dommage que l'univers musical et artistique de Zach Condon est particulièrement riche, sorte de Jack London de la pop, génial vagabond, perdu entre ports et bouges du monde entier, véritable éponge musicale ayant réussi à digérer ses multiples et hautes influences. Sa musique est une magnifique invitation au rêve et au voyage.
Malheureusement les seules vraies chansons de cet album sont Gallipoli et Landslide, les deux singles mis en avant avant la sortie de l'album. Le reste de l'album se divise entre pistes purement musicales (on comprend désormais que c'est le cache misère de Condon) et titres chantés inachevés, le tout faisant presque office de remplissage et de liant. Oh certes, c'est du très bon remplissage, du remplissage élégant et distingué, mais qui peine à assouvir notre soif du Beirut des grands soirs ! La production ample et somptueuse, les gimmicks sympathiques, ne suffisent pas à combler mes (très hautes) attentes.
Alors bon, je mets un 7 très généreux à cet album, d'ailleurs après une deuxième écoute il remonte déjà dans mon estime. Mais si vous espérez que Condon réédite l'exploit de ses deux premiers chefs-d’œuvre ou celui de « Rip Tide », l'album de la maturité qui ouvrait à des nouveaux horizons, passez votre chemin. Si vous avez décidément du mal à tourner le dos à ce musicien attachant, alors venez vous consoler avec « Gallipoli », en rêvant au bouleversant chef-d’œuvre qu'il aurait pu être...
Critique à retrouver sur mon blog ici.