L’adage veut qu’un criminel revienne toujours sur les lieux de son crime. Dans le cas des musiciens, et plus particulièrement des musiciens talentueux, il n’est pas moins rare de les retrouver de temps à autre, fureter du côté d’un passé plus ou moins glorieux mais toujours nostalgique. STEVE HACKETT, que l’on ne présente plus, est de cette espèce tant il s’accompagne de son passé génésien au fil des tournées et de leurs enregistrements live.
As inaltérable de la guitare (électrique, acoustique, classique et tout ce qui rime avec), celui qui vécu le GENESIS de la « grande période », selon les fans pointus d’un rock progressif pensé idéal, et mis le groupe sous respirateur artificiel deux albums durant suite au départ de Peter Gabriel, revient cet automne nous conter à nouveau quelques historiettes abracadabrantesques, délirantes ou macabres, surréalistes ou romantiques torturées qui firent le nid de la formation britannique.
Après un premier volume de reprises paru au milieu des années 90, Hackett ne se contente pas de nous farcir un double album de reprises rutilantes et futiles. Il convoque même pour l’occasion un maelström de fines gâchettes, allant de Steven Wilson (Porcupine Tree) à Michael Akerfeldt (Opeth), en passant par Nad Sylvan (Agents of Mercy), John wetton (Asia, King Crimson), Neal Morse (Spock’s Beard, Transatlantic), Steve Rothery (Marillion), Roine Stolt (The Flower Kings) et, clin d’œil ultime, Simon Collins, fiston de qui vous savez.
« Un projet aux dimensions wagneriennes ! »
Le résultat se décompose en vingt et un titres, plus de 150 minutes de musique, et autant dire que les a priori s’effondrent le temps d’écouter tout cela en entier. Car si le résultat reprend en tout point les originaux pétris de lyrisme ébouriffant, ces réinterprétations se sont forgées dans un son intense, puissant, évocateur, d’une clarté magnifique. On n’empêchera évidemment pas certains, quand il se fait tard sur leur platine, de voler dans les plumes d’un projet qui n’a d’autres ambitions que de convoquer un passé révolu, de se replonger dans les souvenirs, avec respect et talent, de se revigorer l’inspiration au passé composé. L’intérêt de la chose pourrait alors sembler aussi épais qu’un papier job.
Faux semblant. Car au-delà du simple statut de « revival », Steve Hackett participa, contribua, composa même ces chansons. Il vécu leur genèse et les accoucha au même titre que ses quatre anciens compagnons de route. C’est bien là toute la différence avec 99% des albums du même acabit, souvent bien exécutés, mais exempts de la flamme du souvenir. Cette flamme qui brûle ici, plus (« Supper’s Ready » toujours magique) ou moins (« Ripples ») intensément selon les titres, mais qui continue de secouer l’auditeur près de 40 ans après les faits. La preuve supplémentaire qu’une bonne chanson peut d’autant mieux traverser les années qu’elle est bien accompagnée.
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