Ferme les yeux ! Ouvre bien tes oreilles !!
Tu verras ces nuages sombres qui recouvrent ton hiver, qui écrasent ton moral, tu les verras s'éloigner en maugréant.
Tu les verras rouler sur eux mêmes, tonnant des injures au loin et pleuvant sur un coin de ciel comme un chien au coin d'une rue.
Tu verras le soleil pointer son nez, timidement au début, coincé derrière les restes de nuages noirs soufflés au loin par un vent complice.
Tu le verras prendre ses aises et commencer à briller, illuminant un paysage que tu ne reconnais plus de ta fenêtre.
Tu le verras miroiter sur un monochrome mouvant bleu d'azur.
Tu le verras, par petites touches, traverser ces feuilles de palmiers majestueux et venir s'écraser sur les murs verts d'une bicoque en bois vermoulu; comme ces traces de couleurs chaudes que le peintre étale au couteau sur ces peintures impressionnistes.
Tu sentiras cette chaleur sur ta peau. La douce morsure du soleil croquant ta chair comme on plante ses dents dans un fruit trop mûr.
Tu sentiras, quand ce soleil se fera trop violent, tu sentiras l'ombre de ce Christ gigantesque effleurer ta peau, la Sainte fraîcheur du Corcovado te protégeant, de ses bras ouverts, des brûlures d'un soleil en liberté.
Tu sentiras ces odeurs de fruits inconnus, sucrés comme des baisers. Ces baisers de filles multicolores, belles comme un nouveau monde qui s'ouvre à tes pieds.
Tu goûteras le sel de leur peau. Tu goûteras ce rhum dans ces bars en fleurs, ce rhum parfumé comme une salade de fruits tropicaux.
Tu goûteras à ces fruits de toutes les couleurs, poussant partout, au coin des rues, au bord des plages, sur les murs des maisons vieillies. Dans une nature à peine maîtrisée, ne voulant pas obéir aux ordres et grignotant en cachette le goudron et le béton, comme l'enfant trempant ses doigts dans le pot de confiture interdit.
...Et tu entendras.
Tu entendras la Samba, au loin, comme un murmure.
Un murmure grandissant qui t'emporte. Des rythmes fous et hérétiques, faisant trembler les corps.
Ces femmes en transe, possédées par des démons tapant sur des bidons.
Des files de femmes lascives descendant les rues abruptes de ces favelas rouge sang comme un serpent rampant le long d'un arbre.
Ces femmes-serpents charmées par la musique et qui s'abandonnent à ce rythme maudit.
Tu entendras le Jazz.
Tu entendras cette musique si réfléchie et pourtant tellement intuitive.
Tu l'entendras s'envoler dans le ciel rose d'un Brésil sauvage. Tu l'entendras parler avec la Samba, tu l'entendras arracher les chaînes de cette musique-esclave.
La prendre sous son aile, lui faire l'amour tendrement, et fusionner, pour au final ne former qu'un.
Pour laisser de cette union, le fils d'un métissage que le Brésil à quasiment inventé, un enfant de l'amour.
La fusion parfaite du noir et du blanc.
Le subtil mélange de l'eau et du feu, du calme et de la furie, du Jazz et de la Samba.
La naissance de la divine Bossa-Nova.
http://www.youtube.com/watch?v=So718wk426c