Alors c’était donc ça.
Le fameux objectif que les années 2000 ont tenté d’atteindre à de multiples reprises. Oser et réussir l’improbable mariage entre les synthés élégiaques des 80's et les guitares texturées des 90's. Autrement dit, faire copuler la synth pop à la dream pop voire au shoegaze.


Mais si les tentatives ont été nombreuses, peu ont accouché de réussites. Même les groupes ayant accompli cette fusion n’ont jamais réitéré cet exploit (M83). La surprise avec ce dernier album de School of Seven Bells (SO7B pour les plus pressés) n’en est que plus grande. Parce que c’est finalement en 2012 que l’aboutissement d’une démarche a eu lieu.


Alejandra Deheza et Benjamin Curtis ne forment pas un duo comme les autres. Ils se sont fait remarquer rapidement avec leur album le moins intéressant et semble être mis de côté petit à petit alors qu’ils ont su progresser de manière impressionnante. Triste injustice.


Ghostory a pourtant de quoi remporter plus de suffrages puisque leur musique n’a jamais été aussi limpide et évidente. « Lafaye » lancé en single en est la preuve formelle. SO7B est toujours influencé par l’électro et la dance, mais ils ont aussi décidé de mieux assumer leur facette pop. Il est impossible de parler ici de compromission puisque la qualité parle d’elle-même. Une musique aussi gracieuse et énergique n’est pas courante, même aujourd’hui.


Certes, Curve avait déjà déblayé le terrain il y a très longtemps et on peut sentir le poids qu’exerce leur influence (notamment celle de leurs derniers albums). Mais SO7B ne fait pas de la copie et rassemble tellement d’éléments différents qu’ils finissent par ressembler qu’à eux même.


En termes d’écriture, Ghostory fait très fort et rassemble que des moments mémorables. Même le titre le moins bon (« Low Times »), réussit à se montrer particulièrement prenant dans sa seconde moitié. Car si les incursions en territoire techno sont de qualité (l’imparable « White Wind »), c’est dans ses moments les plus lents que l’envoûtement est total.
Si ce disque récolte une excellente note, ce n’est pas seulement parce que la musique possède un songwriting et des compositions de très haut niveau, c’est aussi grâce à Alejandra. On savait que sa voix pleine de charme pouvait se montrer particulièrement expressive, mais elle a réussi à se surpasser. Son interprétation touchante donne une âme à cette musique pourtant synthétique et froide. Une pointe de mélancolie qui s’accorde à merveille aux paroles dont le thème serait les fantômes que l’on croise dans sa vie… Ghostory serait même un concept album d’après les dires du groupe.


L’émotion atteint son comble sur l’ultime morceau « When You Sing ». Très long crescendo shoegaze qui rappelle ce que pouvait faire de plus épique les groupes du même genre (pensez au « Leave Them All Behind » de Ride) et dont le refrain sans fin s’achève de manière brutale… Tout comme pourrait être le destin de SO7B.
Car le départ d’un membre (la sœur d’Alejandra, Claudia Deheza) ne semble pas être l’unique explication de l’émotion palpable régnant sur ce disque. Benjamin Curtis a été diagnostiqué comme étant atteint d’un cancer peu après la tournée de Ghostory. Y aurait-il eu des tensions pendant l’enregistrement ? C’est une bonne question.


Leur avenir musical est donc compromis et cela est regrettable en plus du relatif oubli dans lequel s’enfonce SO7B. Voilà un album dont la valeur risque de grimper en flèche suite à un évènement malheureux et cela ne lui rendrait pas justice, tant il se suffit à lui-même.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 10 août 2015

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Seijitsu

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