Give Out But Don’t Give Up par benton
Après Screamadelica, Primal Scream est attendu au tournant. D'autant que le groupe n'est pas pressé, mettant trois ans avant de sortir leur nouvel album. La surprise sera de taille pour tous ceux qui attendaient ce disque comme le messie. Pour cause, la bande à Bobby Gillespie prend tout le monde à contre-pied en renouant avec le rock basique de leurs débuts. D'aucuns verront dans ce revirement une attitude rétrograde et sans intérêt. A mon avis, ces personnes ont juste rien compris à Primal Scream.
Comment traiter de rétrograde le fait de jouer la musique que l'on aime, qui nous correspond plus que toute autre ? Il suffit d'écouter Give Out But Don't Give Up pour se rendre compte que la bande de Bobby Gillespie a le rock au fond de ses tripes, bien plus que les délires electro de Screamadelica. Si les premiers albums en donnaient déjà la preuve, le groupe semble atteindre ici une autre dimension. Les membres se sont améliorés, indéniablement, tant au niveau de la maîtrise de leurs instruments que de la composition.
On en a la preuve avec les deux premiers titres, Jailbird et Rocks, qui sont de pures bombes rock'n'roll aux riffs ravageurs. Même si Gillespie s'en est toujours défendu, l'influence Rolling Stones est trop évidente pour ne pas être réelle. L'aisance, la dégaine, les chœurs gospel, jusque dans l'utilisation des cuivres, tout rappelle l'ambiance de Sticky Fingers ou Exile On Main Street. Mais loin de se contenter de pomper, Primal Scream tire son épingle du jeu et garde une crédibilité intacte. On sent que le groupe a le rock en intraveineuse, et vole carrément la vedette à des Stones alors en pré retraite.
Au fil du disque on retrouve ainsi des morceaux rock bien balancés (Call On Me), mais également beaucoup de ballades acoustiques, certes à peu près identiques, mais souvent sublimes ((I'm Gonna) Cry Myself Blind, Sad And Blue, I'll Be There For You, Everyboby Needs Somebody). Ma préférence allant à Big Jet Plane, une chanson mid-tempo, mélangeant judicieusement la fougue du rock et la mélodie lumineuse des ballades. Ce morceau dégage une harmonie, un feeling, qui démontrent la magie que peut créer Primal Scream, qui est définitivement loin d'être un groupe rock comme les autres, que ce soit avec des machines électroniques ou avec le bon vieux schéma guitare, basse, batterie (le pont aérien de Big Jet Plane me file une sorte de mélancolie toute fugace, c'est merveilleux).
Cependant la bande de Gillespie n'a pas abandonné toutes ses velléités expérimentales. Sur la lancée de Screamadelica, le groupe pond quelques délires electro funk hypnotiques et hallucinogènes (Funky Jam, Struttin', Give Out But Don't Give Up), où l'on note la participation du parrain du genre, Georges Clinton. L'ensemble est donc de très grande qualité et n'est finalement pas très éloigné de l'esprit de Screamadelica.
Alors bien sûr, cet album est d'un classicisme à toute épreuve, mais c'est une facette non négligeable de Primal Scream. Ce groupe sait tout jouer, avec une insolence, une facilité, une classe déconcertante, c'est ce qui fait son charme, son intérêt, sa richesse ! Ce qui est sûr c'est que je n'apprécierais pas autant la bande de Bobby Gillespie si elle ne me surprenait pas en jouant un jour de l'electro et le lendemain du bon vieux rock'n'roll, tout en restant cohérente et crédible.
Ce qui est également certain, c'est que je considère avant tout Primal Scream comme un groupe de rock, ce me semble une évidence à l'écoute d'un album comme Give Out But Don't Give Up. Après le rock old school n'est pas aussi révolutionnaire que les incursions électroniques qu'a pu faire le groupe sur d'autres albums, et alors ? Pourquoi aurait-on besoin de révolutions permanentes ? Le plaisir le plus pur passe souvent par un simple disque de rock qui fout la banane. Riot City Blues fera toutefois encore mieux 12 ans plus tard.