Quand une compilation comporte plusieurs volumes, cela témoigne de la continuité du succès et de l'impact durable d’un groupe dans l'industrie musicale. Cet album, synthèse du deuxième visage de Queen, plus rentre-dedans et pragmatique que celui des années 70, offre une sélection bien plus intéressante que celle du premier volume, offrant aux auditeurs une autre dose de leurs classiques intemporels.
Je ne pourrai jamais être objectif avec cet album : gamin, je l’ai écouté des centaines de fois, en cassette, sur ma PS1, dans ma chambre, seul, accompagné, je lui vouais un culte absolu dont nombre de séquelles sont encore présentes trente ans plus tard. J’avais par exemple fini par connaître par cœur l’ordre des chansons, de la 1 à la 17, ordre que je suis encore parfaitement capable de citer comme un autiste sans problème aujourd’hui.
Et le plaisir est intact, chaque chanson opère comme une madeleine de Proust extrêmement riche en saveurs, avec le thé en prime. Les émotions ressurgissent dès A Kind of Magic où je vocifère le refrain en repensant au manoir du clip. Je me surprends à m’exciter comme le gamin que j’étais jadis en scandant les paroles (qui devaient être du beau yaourt, à l’époque) du morceau, et je me fais une joie d’écouter de nouveau un album que j’ai écouté des milliards de fois.
Les souvenirs de mes visionnages s’illuminent sur Want it All avec les quatre visages alignés et Taylor qui chasse l’eau de ses fûts en les cognant, Radio GaGa et Ia voiture qui vole, Want to Break Free avec le réveil qui brûle, Invisible Man avec cette esthétique jeu vidéo que j’adorais, ou I’m Going Slightly Mad, avec un Freddie bizarrement grimé qui me glaçait littéralement le sang à l’époque.
Il serait inintéressant et fastidieux d’établir une liste narcissique de mes souvenirs, je vais simplement me contenter d’évoquer la qualité énorme des tubes de Queen présents sur ce Greatest Hits II. Chaque titre est accrocheur, on a du hard rock qui fait mouche (I Want it All et son refrain, Breakthru et son pont burné, Headlong dans son ensemble, Invisible Man et son humour, Hammer to Fall et ses pétarades, One Vision et son solo de batterie), une ballade divine, Who Wants to Live Forever avec sa partie instrumentale belle à en chialer, du rock classique (voir pop rock) avec les extrêmement fédérateurs I Want to Break Free et, lui aussi, son passage instrumental magnifique, le mélancolique Radio GaGa, le contagieux The Miracle. l’evoûtant I’m Going Slighlty Mad et le terriblement poignant The Show Must Go On.
La pièce épique Innuendo, magistrale d’émotion, de dignité, et de créativité fait office de cerise sur le gâteau, ornement sublime parmi tous les chefs-d’œuvres cités plus haut. Comment ne pas devenir marteau avec ce dantesque passage musical, où la guitare saturée de May et la batterie tonnante de Taylor répondent à la guitare flammenco de Steve Howe venant elle-même conclure un superbe interlude ?
Quand vous avez tous ces morceaux géniaux dans un seul album, on peut ériger cette compilation comme extrêmement bien triée, car oui, une compilation n’est qu’un tri, mais ça n’enlève en rien l’amour que je voue à ce Greatest Hits II qui m’a grandement guidé et façonné.
Même si Under Pressure m’ennuie (faut dire que je hais Bowie), It’s a Hard Life me laisse indifférent (sauf le beau solo de May) et Friends Will Be Friends m’a toujours paru niais et redondant, je ne peux placer cet album ailleurs que sur un piédestal, tout en haut de la liste de ceux que je prendrais sur une île déserte. Greatest Hits II de Queen, et son bleu foncé, font partie intégrante de ma substance musicale, c’est une flamme qui brûle depuis mes cinq ans, aussi inextinguible que prompte à se raviser dès que paraissent les claquements de doigts de A Kind of Magic.
Peut-être l’album le plus important de ma vie.