Neil Young avait scindé les années 90 de deux signatures artistiques bien distinctes : l'une clairement rock, binaire, grunge et source d'inspiration chez de nombreux groupes de la côte ouest. L'autre, beaucoup plus orageuse et progressive, où les jams et prises de risques artistiques se partagent la part du gâteau. Puis vinrent les années 2000, médiocres et étonnamment rétrogrades le temps de deux albums dont on se demande ce qu'ils foutent là.
Neil Young n'a jamais été aussi fort que lorsqu'il trouve l'idée de génie que personne ne comprendra, on se rappelle du remarquable Trans vingt ans plus tôt. Avec ce concept album au bon goût de prairie, de corruption et de politique (l'un va avec l'autre), voire même d'imaginaire naïf, Neil Young entame sa verve pamphlétaire qu'il ne lâchera pas jusqu'à aujourd'hui avec The Monsanto Years.
Derrière une voix vacillante et un début de parlé-chanté entre Lou Reed et Mark E. Smith, notamment sur le remarquable et étiré Grandpa's Interview, des paroles dont on peine à se sentir concernés, transportés dans cette ville fictive, c'est un enchaînement de riffs répétitifs mid-tempo rocailleux, bluesy et électriques qui trouvent échos avec ceux de Ragged Glory et The Mirror Ball, qui donnent toute sa dimension au disque. Étonnement attachant, Neil Young dans sa veine à présent mature redonne une seconde vie à une carrière inouïe.