Pour te dire à quel point je n'apprécie pas particulièrement le punk, laisse-moi te dire ce que je pense de ceux qui l'écoutent. Seules trois catégories de gens peuvent aimer ce genre frustre, selon moi: les gamins de 15 ans, ceux qui ont eu cet âge en 1976 et enfin ceux de 50 qui regrettent de ne plus les avoir.
Alors comment et pourquoi en arrivais-je à adorer à ce point l'album d'un britton oublié, considéré par sa mère, ses potes, et trois érudits du rock comme un sublime poète punk ? Ma théorie est double, tout en étant simple: ce disque, avec ses 17 chansons et ses 4500 idées, est aussi proche du punk que Valls l'est de la dignité. Et puis, surtout, il faut toujours se garder des généralités (en cherchant bien, on doit bien pouvoir trouver un Républicain drôle, un mariniste humaniste ou un fan d'Indochine qui aime la musique).
17 chansons souvent sèches et nerveuses, dotées d'un style direct et naturel, presque toujours déconcertant. L'entrée en matière, As Ugly as You et Nothing to Do, est aussi symptomatique que trompeuse. Très vite, les choses se complexifient et prennent une hauteur stupéfiante (adopted girl) malgré des titres qui auraient plutôt tendance à te plaquer au sol avec l'efficacité d'un Chabal rencontrant Tchoupi sur un terrain boueux et glacé du Yorkshire, par un matin brumeux de Février (all my friends are dead now, suicidal wreck).
Mais là où le Dylan punk arrive à te retourner comme une pinte à laquelle il ne reste que deux gorgées de désespoir tièdement pétillantes à avaler, avant de devoir convaincre un vieil ennemi qu'il a toujours été ton meilleur pote dans l'espoir qu'il t'en offre une dernière, c'est quand Patrik Fitzgerald laisse son coeur aux accents cockney et à la bravade édentée s'écouler avec la pudeur d'une midinette confondue qui n'a soudain plus rien à perdre. Lover's pact ou surtout le testamentaire all the years of trying te bousculent de la plus délicieuse des manières, de cette façon dont tu aimais tant te faire cueillir quand… quand… quand t'avais 15 ans, merde !