H.N.I.C
7.8
H.N.I.C

Album de Prodigy (2000)

En 2000, les bruits de couloirs étaient finalement pas si absurdes que ça, le sulfureux rappeur des Mobb Deep, Prodigy, allait bel et bien sortir son premier album solo. Bien que lui et son partenaire de rimes Havoc soient en discorde avec Loud Records depuis la longue attente avant la sortie d'un certain Murda Muzik. Malgré cette mésentente, Prodigy trouva tout de même un accord avec le patron Steve Rifkind pour dévoiler sous cette structure H.N.I.C., financé par un accord de taille puisque un million de dollars est prévu pour la consolidation de celui-ci. Pee a désormais ses cartes en main, et va alors pouvoir tout mettre en place pour finaliser à sa guise son projet. Se faire un nom ? Pas vraiment puisque ça il a pu déjà le réaliser avec les quatre albums de Mobb Deep sortis précédemment. Mais Pee veut avant tout se dévoiler plus personnellement, raconter à lui tout seul qui il est, nous parler de son quartier, son enfance, ses problèmes de santé, sa vie.Son détachement d'Havoc le temps d'un disque ne retire en rien leur affection l'un pour l'autre malgré les rumeurs, mais il préfère juste travailler avec de jeunes producteurs talentueux encore peu connus comme Rocwilder ou The Alchemist.

Mais au final le résultat est équivalent, et on y retrouve quand même l'esprit et l'ambiance glauque, sale et malsaine qui régnait au sein du duo du Queensbridge, et ce pour le plus grand plaisir des fans. Une plume qu'il trempe dans le bitume pour écrire et décrire son ghetto et ainsi narrer tel un film les histoires qui s'y passent, à l'image de cette fiction qu'il produit ; « Can't Complain » où il se voit accusé de meurtre par un flic. Une track qui voit la collaboration de la grosse voix cassée de Twin Gambino et de la lady du QB qu'est Chinky. Ce jeune inconnu venu la côte West qu'est Alchemist est arrivé sur ce disque par l'intermédiaire de DJ Muggs qui l'avait présenté à Pee et Havoc. Voyant que ses productions sombres collaient à l'atmosphère du groupe, il commença à produire deux morceaux sur Murda Muzik, puis a gagné leur confiance pour enfin produire la plupart des tueries qu'on retrouvent ici. Et notamment le classique « Keep It Thoro », et sa simple boucle de piano qui marque les esprits, sur laquelle Prodigy démontre tout son caractère virulent et ses punchlines affûtées.

"I throw a TV at you crazy, bitches say P you crazy
A 'Pain in Da Ass', nah but 'Fuck you, Pay me'
I'm no shorty, nigga I stop your glory
I'm a thorough street nigga for real, you just applaud me
Avoid P, man take your baby mom's advice
I'm nothing sweet, ill with the guns, you pay the price
When you see me in the streets soldier, salute me
You just a groupie, oh you gangsta, then shoot me"

Mais son inspiration, il la trouve vraiment que sur son lit d'hôpital, où il se doit d'y aller fréquemment à cause d'une maladie sanguine qui le ronge. Une douleur interne qui l'accompagne depuis son enfance, qu'il ne peut calmer qu'à coup de morphine, et qui devient vite pour lui une sévère dépendance à la fois psychique et physique. Un apaisement passager qui l'amène et le pousse dans des délires, et c'est bien souvent dans ces périodes-là qu'il trouve les mots justes pour nous raconter ses histoires dans de profond détails. A travers les années, cette douleur est devenue comme son ami, comme il le dit si bien sur « You Can Never Feel My Pain », morceau touchant reprenant un sample d'Angela Boffil. Une confession qui en fait un des grands morceaux de cet album et de sa carrière. Autre piste nostalgique où l'on ressent de plein fouet son sentiment de mélancolie, c'est sur « Veteran's Memorial », une pensée profonde aux membres de sa famille et à ses potos tombés trop tôt comme Killa Black ("Its hard to believe that niggas so strong could die so easily forever be gone"), qui avait notamment mis le pied à l'étrier le rappeur Littles qui fait ici sa première apparition sur un skit.

Un flow hargneux tout en restant posé, une voix fumante comme un glock qui vient d'être utilisé, il crache son venin comme si c'était son ultime souffle. Havoc est tout de même présent à deux reprises, tout d'abord sur le sulfureux « Wanna Be Thugs » mais aussi sur le mystérieux et inquiétant « Delt With The Bullshit ». Un univers de gangsters, qu'il connaît très tôt avec son père qui lui apprend à tirer et qui braque une bijouterie alors qu'il attend dans sa voiture. Ballade nocturne avec Cormega dans les rues de New-York City, collaboration étonnante avec un « Young Black Entrepreneurs » nommé B.G. des Cash Money Millionnaires, duo électrique de LeFrak City avec NORE sur « What U Rep » (produit par Hangmen3), tailleur de diamant avec Just Blaze sur « Diamond », ou encore et toujours le considéré troisième homme Big Noyd qui fait parler son flingue sur « Gun Play ». Tout cela montre que Prodigy est bien entouré pour cet album qui s'annonçait déjà comme un classique à l'époque. Un jugement assez justifié avec le recul, malgré qu'il n'ait été sacré que disque d'or.

Marqué également par son entourage et son environnement, Prodigy aurait très bien pu rester dans son école d'art graphique s'il n'avait pas éprouvé une véritable passion pour le Hip Hop. Ce n'est pas pour rien qu'il parodie les Boogie Down Production et leur Criminal Minded pour le transformer en « Infamous Minded ». Ses textes réalistes font rapidement de lui l'une des figures importantes de cette culture et cet album n'en est qu'une preuve de plus. Et encore dites-vous que d'autres énormes morceaux auraient pu figurer sur celui-ci, à savoir « Quiet Storm » ou « Shook Ones », mais qui finalement ont vu le jour sur des albums du groupe. Un classique new-yorkais qui marqua son temps et qui continue de marquer les esprits de tous fans de Hip Hop.
Bobby_Milk
10
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le 22 déc. 2011

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