Se mesurer à Halloween 77 de Frank Zappa et ses 15h de live, c'est tenter de toucher au chef d'oeuvre et à l'une des pages les plus prolifiques et agressives de la carrière du moustachu touche-à-tout. C'est essayer de comprendre l'univers d'un artiste hors-norme et amuseur-né, parfois bien malgré lui, d'écouter le même morceau interprété selon l'inspiration de Zappa et de ses musiciens qui squattent le Palladium de New York pendant 4 jours pour six shows historiques; une bonne habitude prise depuis le début des années 70. Remplissant globalement la même set-list d'un show à l'autre, à l'exception des deux dernières représentations, cette excursion marathon et pantagruélique apporte ce qu'il faut de vertiges et de frissons pour quiconque ressent un minimum de plaisir à l'écoute de compositions contemporaines de cette époque, en pleine post-crise Warner Bros, prémices d'écritures du monument Sheik Yerbouti à venir deux ans plus tard.


Halloween 77 est un grand documentaire sur le processus de création, la création d'un morceau dévoilé dans un premier temps en live (ici, Bobby Brown Goes Down est écrit depuis seulement deux semaines avant d'être présenté au public new-yorkais) puis incorporé dans une oeuvre à venir, twisté plus ou moins fortement. Sheik Yerbouti puisera allègrement dans la set-list du Palladium. Tryin' To Grow a Chin, City of Tiny Lites, Flakes, Jewish Princess ou encore Wild Love dans une version que l'on qualifiera poliment de tarée représentent autant de grands moments de musique rock, impertinente, délicieusement libertine. La formation accompagnant Zappa, martyrisée par une série d'happenings savamment orchestrés brille par sa maîtrise technique, The Black Page #2 pouvant mettre à mal n'importe quelle session rythmique est ici exécutée avec une insolente maîtrise tout comme l'enchaînement général des morceaux qui ne souffrent d'aucuns faux départs ou accrocs si ce n'est sur Bobby Brown Goes Down du premier show du 29 octobre lorsque Zappa prie sa session rythmique de ralentir le pas pour que le public puisse entendre parfaitement tous les mots doux adressés aux journalistes opportunistes ici visés précisément ou en plein Dancin' Fool; on l'excusera bien volontiers puisque le morceau est joué ici pour la première fois.


Une compilation live de Zappa ne serait rien sans sa batterie de soli de guitare solides comme le manche bien raide de sa six cordes, The Torture Never Stops, l'inédit Conehead ou encore l'unique Stink Foot des six représentations s'occupant de remplir cette agréable tâche. Le public, hilare, réagit aux moindres gémissements quand la torture ne s'arrête jamais, s'offusque avec entrain sur les lyrics les plus salasses (Bobby Brown Goes Down, Titties N Beer, I Have Been In You...) et semble s'en donner à cœur joie sur les mythiques Audience Participations. Terry Bozzio a droit à son petit quart d'heure de gloire, Andrian Belew devient aux yeux du public l'un des grands imitateurs de Bob Dylan à l'occasion d'une version de Flakes pas encore complète et plus lente que dans sa version officielle. Les moments de bravoure côtoient forcément d'autres un peu moins intéressants, certaines inspirations sur Wild Love, les vocalises insupportables d'Envelopes ou n'importe quel solo de batterie de plus de cinq secondes étant quelque peu redondants à la longue. Mais dans l'ensemble, ces shows d'Halloween 77 font partie du haut du panier de ce que Zappa a pu produire sur scène, toute époque confondue.


Une place de choix que nous accorde la Zappa Family Trust, au premier rang de la première seconde de spectacle jusqu'aux rappels somptueux joués à vitesse grand V sous les applaudissements nourris d'un public définitivement rallié à la cause de la moustache la plus célèbre du rock.

XavierChan
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le 22 juin 2021

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