Quatrième disque de Focus et dernier de sa trilogie dorée (1), « Hamburger Concerto » voit le groupe de Thijs van Leer et Jan Akkerman atteindre à nouveau des sommets, et ce malgré les tensions qui commencent à percer à jour et qui finiront par mimer lentement la première vie du groupe.
Car entre-temps Jan et Thijs ont tous deux sorti des disques en solo.
Akkerman bossait déjà depuis deux ans sur son « Profile » qui sortira en 72, tout comme le premier disque de van Leer, « Introspection »... Qui sera un gros hit en Hollande alors (2), restant près de 132 semaines dans les charts. Le disque de Jan Akkerman est du coup largement ignoré. De quoi l'avoir mauvaise en effet, d'autant plus si l'on a été consacré et reconnu « meilleur guitariste » de l'année 1973 dans les sondages du Melody Maker. On se met à penser qu'on a bossé pour rien ou que les gens sont stupides pour ne pas reconnaître votre talent...
Pourtant en cette année 1974, quand Focus délivre ce quatrième effort studio, on se serre encore plus ou moins les coudes dans le groupe. Oui, les tournées incessantes du groupe devenu culte et adulé dans son pays commencent sérieusement à fatiguer les musiciens. Oui, Focus s'est hissé à la force du poignet (et parfois du manche de guitare donc) et est même reconnu sur le territoire américain. Pour ne rien arranger, le batteur officiel (qui apparaissait sur le second album du groupe et était pourtant voué à durer), Pierre van der Linden se barre. Quand à Jan Akkerman, lui semblant entendre le public parler pendant l'une de ses prestations personnelles à la télévision, il se barre à la moitié du show, excédé.
Bonjour l'ambiance.
Pourtant nos musiciens vont rivaliser d'inventivité et de création, ce qui amènera le producteur Mike Vernon à même enregistrer 40mn de musique en plus qui se retrouveront donc sur l'album « bricolé » façon Frankenstein, « Ship of memories » qui sortira en 1976.
Et puis quelle musique quand même.
Du prog de haut niveau et ouvert à toutes les influences. Pour un groupe des années 70, c'est assez admirable, jugez-en plutôt : De l'ouverture délicate Moyen-âgeuse « Delitiae Musicae » qu'Akkerman reprend d'un compositeur flamand du 16ème siècle, Joachim van den Hove, au Led-Zepplinesque « Harem Scarem » en passant par le rock élégant « Birth » que le guitariste compose pour célébrer la naissance de son fils.
Et puis les joyaux que sont « La cathédrale de Strasbourg » où van Leer compose une mélancolique pop-song d'où fleure bon la nostalgie de vacances passées, étudiant, en France avec une poignée de paroles qui pourraient sonner kitsch mais qui n'en sont que plus touchantes (surtout que la mélodie est magnifique) et les 20mn du fameux « Hamburger concerto ». Fabuleuse pièce montée comme le rock progressif nous en a souvent donné à voir cette dernière est une vraie collaboration entre les deux leaders-compositeurs qui varie régulièrement les climats et sonne presque comme une synthèse de tout ce que Focus nous a offert en quelques disques. On y retrouve à la fois donc les influences classiques, jazz et rock inhérentes aux musiciens (3), les voix et raclements cartoonesques de Thijs (toujours cette petite touche humoristique du groupe, le titre de cette longue composition en est la preuve d'ailleurs), des solos magiques de flûte, ce sens d'une ambiance et d'un climat à créer (des passages sinueux à la guitare électrique fascinants) sans oublier un final grandiose de chœurs au synthé qui donnent l'impression de se retrouver dans une cathédrale, saisis par la majesté des anges. Ce qui fait assez sens avec l'autre joyau cité plus tôt, ma foi !
Alors que le bateau commence à prendre l'eau, Hamburger Concerto referme magistralement la période dorée de Focus. Après 1974, il y a aura encore des albums bons et moins bons, mais qui n'atteindront jamais le niveau de Focus II, III et de ce concerto de burger.
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(1) Un live est sorti entre-temps juste avant, enregistré au Rainbow de Londres le 5 mai 1973. Un bon disque mais à la prise de son souvent moyenne, trop court et qui ne témoigne pas hélas réellement du potentiel et de l'énergie du groupe.
(2) Leur pays natal si vous rattrapez l'histoire en marche.
(3) Hamburger Concerto débute en effet par une reprise en hommage de « Variations sur un thème de Haydn » de Brahms.