Harakiri du conformisme musical, harakiri de l'intelligence des textes
Après le bon mais inégal Elect The Dead, ainsi que le très bon mais sous-estimé Imperfect Harmonies (du à son style musical), Serj Tankian revient sur le devant de la scène musicale avec Harakiri. Alors, suicide musical ou réussite incontestée ?
Pour cet opus, Tankian est revenu à un style un peu plus SOAD-ien que le précédent, tout en gardant ses propres influences. On pense en effet à une sorte de suite à Elect The Dead, plus variée et plus maîtrisée cela dit.
L'album part en effet dans tous les sens, avec des pistes assez classiques pour du Tankian (l'excellente chanson éponyme par exemple), et d'autres qui explorent des terrains aventureux. Ainsi, Cornucopia sonne très pop/rock (on croit entendre par moments du Placebo), tout en restant une chanson à tiroirs comme je les aime (multiplicité des riffs et structure alambiquée). Figure It Out possède une vibe punk, et se rapproche assez de RATM, avec la voix de Serj parfois rappée qui rappelle le System d'antan. On peut aussi parler de l'orientalisante et envoûtante Ching Chime, de la superbe balade Deafening Silence, de la non moins originale Reality TV, des deux brulôts de fin d'album Uneducated Democracy (la meilleure de l'album) et Weave On, etc. etc.
Varié donc, et surtout maîtrisé. Même une chanson mineure comme Butterfly rend bien après quelques écoutes. Il n'y a donc pas réellement de chanson faible, comme c'était le cas sur Elect The Dead (Money, Baby, Sky Is Over), et un peu moins sur Imperfect Harmonies (Deserving?) . Les passages épiques s'enchaînent, les moments d'accalmie sont réussis et la voix de Serj explore de nouveaux horizons.
Néanmoins, malgré tout le bien que je pense de cet album, quelques défauts viennent l'entacher.
Tout d'abord, et c'est un défaut constant depuis ses débuts en solo, je trouve certains de ses refrains trop faciles, trop évidents à cerner. Ils rendent bien, mais disons que, comparativement aux couplets originaux, il y a un décalage auquel il faut se faire, et qui peut peut-être lasser in fine.
Par ailleurs, cet album est moins bien produit que les précédents, ce qui paraît étrange vu que c'est le dernier, et que le bonhomme aurait du pouvoir tirer profit de son expérience sur ses précédents travaux. Mais au final, le son est parfois assez brouillon, et la puissance sonore globale est en deça de ce qu'on pourrait attendre. Cela s'inscrit peut-être néanmoins dans la logique de faire sonner l'album "punk".
Enfin, défaut mineur pour certains mais qui tout de même me gêne, les textes. Non pas qu'ils soient dans l'absolu moins bons qu'à l'accoutumée, mais je trouve que, quand on fait des textes engagés (ce qui est clairement le cas pour cet album), on se doit à la fois d'être nuancé et réfléchi. Or, entendre en boucle, sur Figure It Out par exemple : "Why pretend, that we don't know ? CEO's are the disease", c'est limite du foutage de gueule pour nos petits cerveaux. Plus simpliste et démagogique tu meurs. Et c'est à peu près le cas sur une grande part des morceaux de cet album. J'en viens même à souhaiter pour la suite de sa carrière qu'il laisse la politique de côté dans sa musique pour se concentrer sur de la poésie (où il est très bon). M'enfin, cela m'étonnerait fort qu'il abandonne cet aspect là ^^
Donc, pour résumer : très bon album de Serj Tankian, peut-être son meilleur musicalement parlant, malgré quelques défauts énervants.
PS : écoutez les chansons bonus, elles sont du même calibre que le reste, alors pourquoi s'en priver ?