Le retour de Muddy sur le devant de la scène en 1977

En 1977, Muddy Waters se rapproche de la fin de sa (prolifique) carrière, il avait alors 64 ans. Malgré les éloges justifiés dont le couvrent des groupes, à commencer par les Rolling Stones, cette carrière est peu à peu en déclin durant les seventies. Il a la chance de croiser la route d’un musicien extraordinaire qui est aussi un de ses plus grands fans, Johnny Winter. Il réussit à convaincre sa maison de disques Blue Skye d'enregistrer un album avec cette légende vivante. Cette collaboration va porter ses fruits à long terme : Johnny Winter produit en effet les trois derniers albums de Muddy avec un certain succès puisque « Hard Again » et « I'm Ready » sont tous deux couronnés par un Grammy Award. Il ne faut surtout pas oublier un 3e protagoniste sans qui cette aventure n’aurait pas eu la même saveur, c’est le grand James Cotton.

Dès les 1ères notes de « Mannish Boy », on sait qu’on tient là du sérieux bien que le titre ait été largement inspiré de « I’m Your Hoochie Coochie Man » de Willie Dixon et d’« I’m A Man » de Bo Diddley, l’évidence saute aux oreilles. Un morceau de légende qui vous scotche littéralement, avec ce rythme hypnotique de guitare qui se répète jusqu’à la fin, les hurlements de Winter et un Waters habité. Nul doute que Jagger et Richards auraient vendu leur âme au Diable pour écrire un morceau pareil ! Waters a utilisé son groupe de tournée de l'époque, composé du guitariste Bob Margolin , du pianiste Pinetop Perkins et du batteur Willie "Big Eyes" Smith .

Le reste est plein d’énergie, d’enthousiasme et de puissance, ça s’entend tout de suite avec le fabuleux « The Blues Had a Baby and They Named It Rock and Roll » (le clin d’œil au rock et ses racines). Bon, l’enregistrement très rapide en 3 jours conduit parfois à un peu de confusion, monter le volume à tout prix, noyant Muddy dans une surcharge de décibels. Dès que l’accompagnement se fait plus léger, sur « I Can't be satisfied » ou « Deep Down In Florida », là, la réussite est totale et le pied intégral. Il est clair que le but était avant tout de faire plaisir aux amateurs de rock avec cet album, toucher un public bien plus large que les fans de blues habituels et en cela, l’album est très réussi. Est-ce pour autant le meilleur de Muddy ? Sûrement pas même s’il est très bon. Il privilégie la (lourde) efficacité au détriment de la finesse. Mais il a au-moins eu le mérite de lui redonner son trône de Roi du Blues, lui permettant d’obtenir sur ses dernières années une large reconnaissance amplement méritée. Rien que pour ça, cet album valait le coup et on peut tirer un coup de chapeau à Winter.