"Head Carrier" est le nouvel album des Pixies, un album qu'on nous présente comme celui du "vrai retour", comme si "Indie Cindy" n'avait pas existé, n'avait pas été un "vrai" album. Kim Deal est partie, remplacée honorablement par une jeune Argentine en talentueuse imitatrice de son charme dévastateur. Et tout le monde est sommé de prétendre que tout est exactement comme avant : les Pixies de 2016 sonnent à nouveau comme les Pixies des années 90. La machine (molle) à remonter le temps a fini par être réglée, et (presque) chaque chanson de "Head Carrier" décalque une chanson que l'on connaît des Pixies, un peu comme des madeleines de Proust sorties d'une chaîne de production industrielle. Et nous devrions trouver ça bien ? "Head Carrier" est un fantôme flasque, une illusion technologique, d'où la rage furibonde d'autrefois, et la poésie bizarre de toujours ont été exclues. L'histoire se répète, les Pixies bégayent. Pour la première fois. Il y a en tout et pour tout 3 (trois !) chansons excitantes sur ce disque : "Baal's Back" parce que c'est du metal un peu stupide, et que Frank Black glapit à nouveau comme un porc qu'on égorge ; "Talent" parce qu'elle sonne comme un hymne mineur des Stranglers, et que Frank Black y avoue son amour pour la new wave anglaise pour la première fois ; et "Um Chagga Lagga", parce que c'est un vrai morceau des Pixies, un morceau fou, qui ne respecte aucune règle, qui fait basculer pendant 3 minutes cet album trop tiède qu'est "Head Carrier" vers un peu de folie. Produite par Gil Norton et pas par l'incompétent ici aux manettes, cette chanson aurait été digne de figurer sur les (vrais) disques des Pixies (d'autrefois). Soyons juste, il y a aussi ici deux jolis moments "pop", qui accrochent rapidement l'auditeur vaguement distrait jusqu'alors : "Oona" et "Tenement Song", aux mélodies tenaces... Mais il y aussi un moment atroce sur "Head Carrier" : "All I Think About Now" recycle jusqu'à l'overdose "Where Is My Mind", tandis que Paz est chargée de délivrer le message d'amour que Frank a écrit à Kim. Et c'est tout simplement gerbant. Maintenant, on va aller voir tout cela sur scène, et on croise les doigts pour que le son soit très fort et que le public soit bien taré, pour nous faire oublier toute cette fadeur. [Critique écrite en 2016]